ZOOM #3 sur les Utérus Artificiels : Les usages

        Les utérus artificiels auront pour but, une fois appliqués à l’humain, de sauver les bébés considérés comme grands prématurés. En effet, les bébés ont une chance de survivre en dehors du corps de leur mère à partir de la 23e semaine de grossesse. Malgré tout, le taux de mortalité chez ces extrêmes prématurés reste élevé. Il existe également des risques de séquelles graves, notamment parce que leurs poumons ne sont pas suffisamment développés à ce stade. L’utérus artificiel serait donc une couveuse perfectionnée, accordant aux poumons de ces fœtus le temps nécessaire à leur formation.
Le Biobag, poche plastique imitant le sac amniotique, sera également un outil très important dans le cadre d’expérimentations animales. Mais aussi dans la compréhension du développement fœtal, de la répercussion des carences et de certains médicaments sur l’organisme du fœtus, ainsi que des besoins exacts de celui-ci. Ce dispositif aidera considérablement les scientifiques à connaître et comprendre les échanges materno-fœtaux, car les connaissances actuelles sur ce sujet sont encore floues.
Les usages de l’utérus artificiel dont il est question pour les prochaines années à venir sont ceux avancés, à ce jour, par les chercheurs et les médecins. Cependant, on pourrait y voir une multitude d’autres usages sur le long terme.
Effectivement, si on pousse le concept actuel de gestation ex-utero, on peut imaginer qu’à l’avenir, une grossesse pourra se dérouler entièrement dans un utérus artificiel, c’est-à-dire de la conception à la naissance de l’enfant.
Cette hypothèse peut être avancée, d’autant plus qu’une équipe internationale de chercheurs a réussi à créer un embryon humain 13 jours in-vitro et aurait pu le faire se développer au-delà de ce délai. Mais les chercheurs ont stoppé l’expérience à 13 jours, car une loi entrée en vigueur dans plusieurs pays limite le développement extra-utérin d’un embryon à 14 jours. Néanmoins, en raison des avancées médicales réalisées ces dernières années, les comités d’éthique pourraient revenir sur cette loi, permettant de pousser plus loin les recherches existantes.
Ainsi, la technique actuelle de développement du fœtus à partir de la 22-24e semaine de grossesse dans le Biobag, combinée au développement de l’embryon in-vitro, poussé pour l’instant à 14 jours, réduit le temps strictement intra-utérin à 91 jours. Si les 2 techniques parviennent à se combiner, l’utérus artificiel destiné à la gestation totale tel qu’imaginé dans les romans de science-fiction comme Le meilleur des mondes, pourra voir le jour.
Pourtant, Alan Flake, le directeur de l’étude publiée dans Nature en mai 2017, s’y oppose fermement, se disant inquiet si de telles recherches étaient effectuées.
À l’inverse, d’autres adhèrent à cette idée, avançant les arguments suivants :
Une grossesse réalisée entièrement dans un utérus artificiel pourrait être une alternative à l’adoption proposée aux couples homosexuels, aux parents ne pouvant pas avoir d’enfants, aux femmes ne possédant pas ou plus d’utérus, ou encore aux femmes dont la grossesse présenterait des risques importants.
Par ailleurs, les anti-IVG voient en l’utérus artificiel une alternative à l’avortement. Selon leur idée, le fœtus non désiré serait placé dans un biobag et y terminerait son développement, puis une fois né, il serait adopté ou placé dans un foyer.
Or, si l’utérus artificiel est utilisé dans l’un de ces objectifs, le nombre d’enfants orphelins dans le monde augmentera considérablement, car les couples ayant recours à l’UA ne seront plus candidats à l’adoption. Ainsi, les 50 millions d’avortements réalisés chaque année deviendront des enfants orphelins et n’auront par conséquent, plus qu’une infime chance de trouver une famille. Ces embryons seront vivants et devenus enfants, mais à quel prix ? Est-il vraiment souhaitable pour ces enfants de grandir dans des orphelinats ?
Pour les femmes ne souhaitant pas mettre leur carrière professionnelle de côté, ce dispositif pourrait représenter une bonne solution, leur permettant d’avoir des enfants sans s’arrêter de travailler. À fortiori en évitant les arrêts anticipés à cause de grossesses à risques, fréquentes et qui obligent les mères à s’arrêter dès le 5e mois parfois. Cette méthode ne nuirait pas à leur carrière et leur donnerait également la faculté d’avoir un enfant, même la quarantaine passée (âge à partir duquel le taux de fausses couches et d’accouchements prématurés augmente considérablement), sans qu’elles mènent de grossesse à risque.

Marie ROCHET