La Shoah, théâtre d’expérimentations médicales : un aspect méconnu

Les expériences médicales dans les camps de concentration sont très peu évoquées, pédagogiquement, ni même médiatisées… et Pourtant elles ont été nombreuses et font partie intégrante de notre devoir de mémoire pour ne pas tomber dans l’oubli ou l’insensibilité.

Contexte historique

Le mot « Shoah » signifie en hébreu « catastrophe, anéantissement ». Par définition, le génocide correspond à l’extermination programmée d’un groupe d’individu ou d’une population par idéologie raciste, antisémite,  à cause de leur religion, origine ou ethnie. La Seconde Guerre mondiale a connu l’un des génocides les plus sanglants de l’Histoire. En effet, au début, les Juifs étaient seulement marginalisés, différenciés par l’étoile jaune qui les excluait de la société. Cependant, après, cette guerre a été le théâtre de nombreux assassinats avec les Einsatzgruppen (Unités SS chargées d’éliminer les Juifs lors de l’avancée allemande à l’Est). Il y avait également les ghettos (Partie de ville, quartier dans laquelle les populations étaient concentrées et enfermées) où les réponses aux besoins primaires comme la nourriture, l’hygiène de vie et la santé manquaient, entraînant la mort d’un nombre important de personnes. Enfin, il y avait les camps de concentration puis d’extermination (créés à partir de 1941). Les principaux camps de concentration témoins de ces expérimentations médicales sont : Auschwitz, Dachaud, Buchenwald, Ravensbrück… et les principaux médecins, comme J. Mengele, se sont enfuis sans avoir été jugés pour leurs actes. Les chiffres montrent qu’entre cinq et six millions de juifs sont décédés lors de ce génocide, dont 300 000 dans les camps dit de « concentration » selon les chiffres officiels. Or nous n’avons aucune connaissance sur le nombre précis de décès dû aux expériences médicales exercées dans ces camps, ils s’estiment donc en quelques milliers.

https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/nazi-medical-experiments

Expérimentations médicales

Il y a eu de multiples expérimentations médicales lors de la Shoah. On les classe en trois catégories d’objectif : premièrement celles ayant pour but d’améliorer la vie des soldats allemands, ensuite celles ayant pour objectif de les soigner et enfin celles renforçant les dogmes antisémites.

Amélioration vie des soldats Allemands

Premièrement, afin de faciliter la survie des militaires de l’Axe, des médecins, que l’on qualifie parfois de tortionnaires en raison de leurs pratiques médicales douloureuses, mortelles, non-consenties et non-éthiques, ont tenté de trouver des solutions aux problèmes des soldats allemands. Il y avait des expériences afin de rendre l’eau de mer potable, l’eau de mer étant très salée, elle contient 35g de sel par litre tandis que les besoins humains sont au  maximum 9 g par jour, celle-ci n’est pas bonne pour la santé. La conséquence de la trop grande consommation d’eau de mer est la déshydratation. Les reins ne vont pas pouvoir éliminer le sel, l’eau des cellules les quitte, l’individu va donc être en déshydratation sévère provoquant son décès.

Dans cette catégorie on compte également des expériences de congélation dans l’objectif de trouver un remède à l’hypothermie. L’hypothermie est une situation dans laquelle la baisse de la température d’un être vivant homéotherme (à sang chaud) ne permet plus d’assurer ses fonctions vitales. Il n’y a plus de thermorégulation (humain à environ 37°C) en cas d’hypothermie sévère. Elle a donc des effets sur le système cardio-vasculaire, respiratoire, nerveux ainsi que sur les muscles et peut entraîner la mort à partir de 22°C.

Dans cette même catégorie, et notamment pour les pilotes, il y a eu des expériences de haute altitude,  avec l’objectif de trouver l’altitude maximale à laquelle un humain peut respirer. Pour cela, les médecins utilisaient  des caissons à basse pression causant des dégâts physiologiques irréparables et bien souvent la mort.

Il a également été question d’expérimentation avec du poison, afin de trouver un potentiel antidote. En dépit de toutes valeurs morales et humaines, le résultat est toujours le même.

Santé des soldats Allemands

Deuxièmement, il y a eu des tests afin d’endiguer la propagation de maladies infectieuses. Pour vérifier l’efficacité des nouveaux médicaments à base de sulfamide, (type d’antibiotiques), les médecins ont pratiqué des opérations et des greffes. De plus, ils ont essayé des sérums contre le paludisme, le typhus, la tuberculose, la fièvre typhoïde, la fièvre jaune et l’hépatite. Ce sont des formes de vaccination, la vaccination étant l’injection de produits immunogènes mais non pathogènes comme des particules virales, des virus atténués etc. Cette injection provoque la formation d’un groupe de cellules dites « mémoire » avec les lymphocytes B, T CD4 et les T CD8,  mémoires dirigées contre l’agent d’une maladie auxquelles ils ont déjà été en contact avec le vaccin. L’adjuvant du vaccin, quant à lui, aide à déclencher l’immunité innée indispensable à la mise en place de la réaction adaptative. Or, dans ces camps, les résultats de toutes ces expériences se révèlent être davantage des échecs que des progrès scientifiques.

Dogme antisémite

Dans la troisième catégorie on retrouve les expériences ayant pour but de renforcer les dogmes antisémites et l’idéologie nazie selon laquelle les Juifs sont inférieurs. Des médecins ont donc essayé de prouver cette infériorité de façon scientifique en passant par la génétique: ils ont cherché des différences, des mutations dans le génome de patients juifs. On peut ici citer le tristement célèbre médecin SS Josef Mengele qui a effectué des expériences génétiques sur des jumeaux. Il effectuait des amputations, des injections d’agents pathogènes, puis comparait les deux jumeaux lors de leurs dissections après leur décès.

Josef Mengele a fait de nombreuses autres expérimentations sans but médical, comme des expériences sur des personnes atteintes de nanisme ou d’hétérochromie. On voit donc bien ici que le but n’est pas tant de faire évoluer la science ou de soigner les malades mais de rabaisser et de pousser l’antisémitisme à son paroxysme.

Enfin, une dernière expérience grandement pratiquée dans ces camps est la stérilisation des Juifs. Effectivement dès 1938, le domaine médical a commencé à être utilisé à des fins idéologiques notamment par Himmler qui ordonnait la répression et la stérilisation des Tziganes. Ce phénomène s’est poursuivi dans les camps de concentration avec de nombreuses tentatives de stérilisation pour trouver la plus efficace, la plus rapide et la moins coûteuse possible. Tout cela dans le but d’éradiquer la population juive.

En plus d’être très souvent mortelles pour les patients, ces expérimentations sont peu efficaces et très peu de traitements ont été trouvés. D’une part, car ces soi-disant recherches n’étaient fondées sur aucun intérêt médical, mais sur un pur fondement idéologique. Comme on l’a vu, le but n’était pas tant la médecine mais l’expression de  l’idéologie nazie : sauver ses soldats, prouver l’infériorité des Juifs, rien de cela ne relève  de la science. Souvent les travaux que les médecins ont réalisés ont déjà été pratiqués comme la vaccination.

Il n’y avait donc aucune raison scientifique à ces agissements. Le questionnement qu’il faut se poser aujourd’hui est d’une part de ne pas laisser dans l’oubli ses expérimentations et les victimes qu’elles ont causées. Et d’autre part, si encore aujourd’hui des chercheurs ou scientifiques ne s’appuient et ne citent pas les travaux de ces médecins abominables ce qui serait un énorme problème éthique.

Sources : https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah1-1997-2-page-86.htm

https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/nazi-medical-experiments

https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rimentation_m%C3%A9dicale_nazie

Cloé MATOUT