Plaidoyer pour un engagement écologique

Ce texte est celui écrit et dit par Jeanne Dugas, lors de son oral de fin d’année de deuxième année de DUT Infocom, en mars dernier. 

Il y a 4 ans j’ai commencé à prendre conscience du changement climatique. Aujourd’hui, je vais vous raconter les deux rencontres qui ont considérablement changé ma vision des choses, qui m’ont ouvert les yeux sur l’ampleur de l’urgence climatique. 2 belles rencontres.
Il y a quatre ans, j’ai rencontré Alice, dans une hasardeuse situation, dans une très, beaucoup trop longue file d’attente. Notre échange a débuté sur un simple constat, l’atmosphère était lourde et pesante en cet fin d’après-midi d’été. Puis, elle s’est présentée, Alice est une scientifique et militante au sein des amis de la terre, c’est une association militant pour une transition vers des sociétés soutenables. Elle m’a expliqué ce que sont le changement climatique, le réchauffement global. Elle m’en a expliqué les causes et les conséquences sur la terre et sur nous humains.
Alors que nous arrivions au bout de cette longue file d’attente, elle m’a saluée, me disant espérer avoir semé une graine de prise de conscience en moi. J’étais désabusée face à ses explications, je ne savais que dire. Pourquoi nous en parlions si peu si c’était un enjeu aussi important ? Pourquoi rien n’était mis en œuvre pour changer ? Pourquoi tout continuait comme si de rien n’était ? J’étais sidérée et révoltée par l’inaction du monde entier face à ce sujet.
J’ai peu à peu pris conscience de l’ampleur des changements à réaliser. C’est devenu un objectif et cela a donné un sens plus profond à ce que je voulais faire et entreprendre, influençant mes choix et mes prises de décisions.

Il est tard. Plus tard que ce que nous pensons. D’ici 2030, nous aurons dépassé plusieurs points de basculement et nous ne serons plus en mesure de revenir en arrière sur le changement climatique.
Depuis plus de 40 ans, des scientifiques alertent. L’alerte est lancée par les modélisateurs de Massachusetts Institute of Technology en 1972. La conclusion du rapport Meadows était sans appel, nous allions vers un dépassement des ressources. Puis vers un effondrement. Cela est difficile à entendre. Personne ne voulait l’entendre.
C’est à cette période que les entreprises sont devenues transnationales, et les richesses se sont concentrées entre les mains de quelques-uns. Leur poids était tellement important, qu’ils sont parvenus à faire en sorte que rien n’entrave leur pouvoir. L’urgence climatique n’était pas une priorité.
Nous avons vécu pendant des années dans le déni. Nous sommes maintenant face à une situation critique globale.
Combien de temps la terre est-elle encore habitable ? Si la température suit sa courbe actuelle, il fera 50°C dans le nord et l’est de la France d’ici quelques décennies. 50°est-ce que vous vous rendez compte ? La canicule de 2003 a fait 15 000 morts. Et ce sont les émissions de gaz à effet de serre qui sont les principales responsables du réchauffement climatique ! Nous devons donc les réduire au plus vite !
Ainsi, à deux trois endroits clés, dans votre démonstration, je dirais à l’amphi : imaginons que vous êtes la planète. Et au fil de votre discours vous expliquez que le premier rang va disparaître, puis les 3 rangs suivants, et il ne restera à 50° que les trois personnes en haut à gauche.
1 milliard de réfugiés climatiques sont attendus dans les prochaines années pour cause de la montée des eaux.
Le dérèglement climatique tue déjà chaque année 400 000 personnes. Et ce chiffre risque de s’accentuer de manière importante dans les années à venir.
Personne ne parle du fait que nous sommes en train de vivre la sixième extinction de masse, qu’une espèce disparaît toutes les 20 minutes. Soit 200 espèces qui disparaissent chaque jour. Pourtant, nous avons besoin des autres espèces pour vivre.
Personne ne sait non plus qu’il existe le budget carbone et qu’il n’en reste pratiquement plus. Le rapport du GIEC explique que si nous souhaitons avoir 67 % de chance de limiter l’augmentation des températures en dessous de 1,5 °C, nous disposions, au 1er janvier 2018, de 420 gigatonnes de CO2 restant dans notre « budget ». Il est aujourd’hui de 360 gigatonnes. Ce budget carbone sera complètement épuisé d’ici huit ans et demi.
Nous devons citer ces chiffres, des chiffres fondés sur la science car il est temps de les entendre et d’en prendre conscience. Nous pourrions poursuivre ainsi une longue, très longue liste des conséquences de la crise écologique, et c’est bien pire que ce vous ne pensiez !
Pourquoi ne réduisons-nous donc pas nos émissions de gaz à effet de serre ? Pourquoi les laisser augmenter ? Pourquoi continuer de brûler des énergies fossiles ? Certains pensent que nous exagérons, que nous sommes des extrémistes. Et ils continuent alors de parler d’argent et de croissance économique.
Ainsi, pendant ce temps les multinationales sont les maîtres du monde, elles règnent partout autour de nous. Et ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont en première ligne face à la catastrophe climatique.
Ce sont les plus riches qui polluent le plus, qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Pourtant eux ne réagissent pas. Car ils ont les moyens de fuir ! Ils construisent des lieux de refuge, refuge face à un éventuel effondrement.
Pendant ce temps aussi, les gouvernements ignorent ces faits, restent inactifs ou font des promesses sans aucune suite ou réalisation concrète. Ils continuent aussi de soutenir les banques, qui financent largement des grands groupes d’exploitations minières ou nient les changements climatiques comme aux Etats Unis ou au Brésil.
Les médias continuent de ne pas traiter ces enjeux comme une crise globale et comme un enjeu majeur. Les médias doivent nous dire toute la vérité sur le réchauffement climatique. Et ce n’est pas le cas, car de grands médias dépendent d’intérêts industriels ou financiers, n’ayant donc aucun intérêt à traiter certains enjeux.
Pourtant les faits scientifiques sont clairs. Pourquoi continuer alors de vivre comme si de rien n’était ? Personne n’agit comme si nous étions en situation majeure de crise. Parce que si tout le monde en avait conscience alors une action massive serait mise en place. Mais ce n’est pas le cas.
Cela peut effectivement vous paraître bien loin, mais les conséquences du réchauffement climatique ne sont pas lointaines. Elles sont beaucoup plus proches de nous que ce que vous imaginez. Plus de 3 millions de personnes souffrent d’asthme en France et la pollution est un facteur déclenchant et aggravant de ce problème. C’est impossible de ne pas voir les conséquences directes du réchauffement climatique, car elles sont juste devant nous, elles sont déjà visibles tous les jours et elles le seront de plus en plus dans le futur.
Nous sommes face à un défi global. Mais face à ces effondrements, nous sommes démunis, ne savons quoi faire, incapables de réagir et d’agir. Nous sommes pourtant au cœur même de ce système destructeur qui est incapable de prendre en compte les limites de la planète.
Que voulez-vous faire ? Ne rien faire pour éviter de déclencher une chaîne irréversible sans fin ? Poursuivre nos vies comme si de rien n’était ? Je ne souhaite pas être responsable d’inaction. C’est impossible de ne rien faire, de ne pas lutter et agir. Oui nous pouvons avoir peur. Peur que rien ne change. Pourtant défendre notre planète est un combat auquel nous devons apporter une réponse. C’est un acte de survie tout comme de solidarité ! Nous devons traiter cette crise comme une urgence absolue. Nous avons la nécessité de nous réveiller, de changer et d’agir et comme le dit Greta Thunberg, “quand on commence à agir l’espoir est partout.” Alors cherchons l’action.

Aujourd’hui, nous sommes à un tournant clef de l’histoire. Nous sommes face à un tournant majeur en termes de mobilisations environnementales. Face à l’urgence climatique, maintenant actée et soutenue, face à un avenir incertain sur tous les continents, des millions de personnes se mobilisent. Nous sommes ainsi des millions partout dans le monde à comprendre l’urgence, à entendre l’urgence. A nous réveiller et à nous regrouper, pour allier et unir nos forces.
La jeunesse s’est engagée, a crié son inquiétude face à son avenir incertain. Des personnes de tout âge, catégorie sociale s’engagent. Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir. Ecoutons les cris d’alertes. Entendons les appels. Soutenons et rejoignons ces mouvements.

C’est ici que ma deuxième rencontre intervient. J’ai rencontré Clémence, une militante environnementale lors d’un temps d’échange au sein d’extinction Rebellion.
C’était à une période un peu sombre pour moi. Découragée, après une année entière de mobilisation sociale et écologique qui avait donné l’espoir qu’un changement puisse advenir, en vain. J’étais certes consciente que cette année de mobilisation environnementale avait permis une certaine prise de conscience, pourtant, il n’y a eu aucun réel changement, pas de transition, ni de monde plus juste.
A la fin de ce temps d’échange, elle s’est approchée de moi, me disant :
“chaque mobilisation permet d’éveiller un peu plus les consciences, chaque action individuelle ou de résistance collective en entraîne une autre et petit à petit c’est nous qui sauverons le monde. Rien n’est perdu, ne te décourage pas.”
J’ai alors compris que chaque niveau d’action est important. Nos gestes individuels sont donc nécessaires. Ils peuvent peu à peu faire changer les choses. J’ai aujourd’hui cet espoir profond au fond de moi. Pourtant, nous devons aussi nous engager collectivement, créer un mouvement de masse pour faire face à l’ampleur des changements qui nous attendent. Dans une société individualiste il apparaît important de renouer, de redonner du sens au collectif.
Ne restons pas enfermés chacun chez soi avec des actions seulement individuelles en espérant que cela fasse changer les choses. Ne renonçons pas devant ceux qui ont un intérêt à faire continuer ce système. La solution serait alors de s’organiser collectivement pour apporter une réponse globale car nous avons seulement quelques mois devant nous. Il faut passer à la vitesse supérieure. Utilisons tous les moyens en notre possession pour convaincre et proposer des pistes d’actions collectives. Apprenons les uns des autres, de nos expériences, rencontres pour mettre en commun nos compétences et savoir-faire.
Nous sommes une nouvelle génération. Nous sommes la dernière génération à pouvoir empêcher le changement climatique. Quelles que soient nos idées politiques, âges, il ne nous reste que quelques mois pour agir. Regardons ceux qui réalisent déjà des choses.
Des pays s’engagent comme le Sri Lanka qui a interdit l’utilisation du glyphosate face à une grave maladie. L’Indonésie quant à elle, a supprimé les subventions au kérosène.
Ces deux pays montrent qu’il est possible d’agir. Des actions en justice se multiplient. Deux millions de personnes avec l’Affaire du siècle ont attaqué la France pour inaction climatique.
Comme le disait Gandhi, soyons le changement que l’on veut voir dans le monde.
ll y a tellement d’autres modes de vie possibles, d’autres discours et tellement d’autres pistes à explorer. Inventons collectivement d’autres alternatives. Créons un autre récit. La mise en place d’une société soutenable est urgente, elle doit répondre à deux objectifs celui de la sobriété dans l’utilisation des ressources, et celui de l’équité dans le partage des ressources.
Pour parvenir à ces sociétés, il faut changer le modèle économique actuel, capitaliste et productiviste basé sur la croissance et qui bénéficie seulement à une infime partie de la population mondiale dont le mode de vie est basé sur la surconsommation. Nous sommes dans un système de surproduction et de surconsommation où les conséquences de ces mécanismes sont socialement et environnementalement destructeurs. Arrêtons d’être des consommateurs compulsifs. Ne vous trompez pas de priorité. Nous sommes aveuglés par la publicité, la société dans laquelle on a grandi et dans laquelle on vit. Ne regardez pas ailleurs, ne fuyez pas la réalité, parce que vous avez peur de changer votre mode de vie. Car nous devons aller vers un changement radical de nos modes de vie. Nous sommes responsables de notre futur. Nous sommes sur la mauvaise voie mais il est encore possible de changer les choses. Nous tous, avons le pouvoir de faire changer les choses. Ne laissons donc pas se poursuivre ce modèle de société basé sur la croissance. Car nous n’avons plus le temps.
Créons un autre modèle de société basé sur des valeurs de solidarité, de générosité, plus respectueuses de soi et de l’environnement. C’est un des derniers espoirs, c’est notre seule chance.

J’ai toujours la voix de Clémence qui résonne dans ma tête, Jeanne n’oublie pas, “ne te décourage pas” ! Aujourd’hui je veux être cette voix qui vous dira de venir rejoindre ce mouvement. Cette voix qui s’attache à vous. J’ai décidé d’entendre ses voix et c’est une des meilleures décisions que j’ai pu prendre. J’avais trouvé un sens.
C’est nous tous, ici aujourd’hui qui avons la possibilité d’agir. Continuons la mobilisation, et cet élan de prise de conscience. Le temps passe bien vite, ne gâchons pas ce temps et utilisons le pour mettre en place un autre fonctionnement de la société qui sera plus respectueux. Utilisons notre énergie, nos compétences pour créer et inventer. Ma grand-mère quand j’étais petite me disait souvent, “construis ton propre chemin, ne cherche pas le bonheur dans la consommation mais prends soin de toi, des autres et de notre planète.”
Je pense que cet appel est nécessaire. J’espère qu’il pourra semer dans vos têtes dans nos têtes des petites graines, qu’il vous fera prendre conscience de l’ampleur du changement climatique, pour faire émerger en vous une envie d’agir. C’est l’accumulation des graines qui permettront de bloquer cette machine destructrice. Nous sommes tous responsables, nous avons tous la capacité d’agir pour faire changer les choses. Nous pouvons tous agir car si chacun de nous fait un pas, je suis certaine que vous vous sentirez heureux et que les choses changeront énormément.
Car rien ne changera sans pression de nous citoyens. Il faut que la pression continue de croître. C’est une priorité.

Jeanne Dugas

> Le diaporama de Jeanne, qui accompagnait son texte est ici > à télécharger