[Critique] « Of Fathers and Sons », de Talal Derki : bouleversant

Of Fathers and sons (2017) de Talal Derki est un documentaire qui s’immisce dans une famille islamiste radicale en partageant leur quotidien pendant plus de deux ans. En suivant le parcours de Oussama et son jeune frère Ayman à travers des images parfois perturbantes, on est confronté à la dure réalité de la guerre…

Il n’est pas facile de mettre des mots sur un film si bouleversant. Une vraie claque au visage, une bourrasque en plein vol. Ce que le réalisateur de « Of fathers and sons » dévoile dans ce documentaire est d’une puissance innommable, et m’a prise aux tripes comme jamais je n’aurais pu imaginer qu’une diffusion ne le fasse. Captivant, poignant.
Au cœur de la réalité de l’idéologie djihadiste, le réalisateur Talal Derki s’est immergé pendant deux années au sein d’une branche d’al-Qaïda en Syrie, avec comme couverture celle d’un photographe de guerre, affichant, pour sauver sa peau, une chaude « sympathie » pour les djihadistes et leur idéologie. Tel un véritable témoin, il reste filmer le quotidien d’une famille, en essayant de comprendre, sans jugement, ce qui pousse certains hommes à vivre sous la charia et à vouloir l’imposer aux autres. C’est cela qui m’a impressionnée : le courage d’un réalisateur à entrer dans le noyau dur d’un des sujets les plus connus de nos jours, et pourtant si sensible.
Au-delà de la réalisation du documentaire, le contenu de ce dernier m’a clouée au siège de la salle de cinéma. Petite occidentale menant une vie bien confortable, le fameux kilomètre sentimental a semblé exploser en moi ce soir. L’histoire m’a parue si lointaine, et pourtant si proche à la fois, que j’en ai parfois eu du mal à garder les yeux rivés sur l’écran. Il y a de ces réalités si âpres à recevoir : des femmes pour qui l’on n’a d’égard, considérées inférieures à l’homme, des enfants éduqués dans la violence, un pays détruit par la peur et la guerre. Des scènes crues et pourtant si authentiques. Malgré cela, j’ai eu envie, à certains moments du documentaire, de croire en l’amour de ces hommes. Pourtant, l’amour évident qu’ils portent à leurs enfants n’est malheureusement qu’infime au milieu d’une telle tempête.

Luana Briand