[#NOUS AVONS VU] L’innocence, un film sincèrement émouvant

Découvert lors du festival de Cannes 2023, L’innocence a connu un succès phénoménal. Le film a reçu plusieurs prix notamment celui du meilleur scénario et celui de la Queer palm en plus d’être nominé pour la palme d’or. L’innocence est un film des plus poignants dans lequel mensonge et vérité s’entremêlent. 

L’innocence est une œuvre du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda. Sa durée est de 124 minutes. Il a été scénarisé par Yūji Sakamoto qui travaille initialement pour la télévision. L’innocence est le premier film depuis Maborosi en 1995 que Kore-eda n’a pas écrit lui-même. Il décrit cette collaboration comme étant très chère puisqu’il s’entend à merveille avec Yūji Sakamoto, qui a fréquenté la même école que lui. L’innocence n’est que la version française du titre. Le titre originel du film est 怪物 (kaibutsu) qui signifie monstre en japonais et possède une signification très particulière dans l’œuvre.

Le synopsis du film est aux premiers abords assez classique : une mère élève seule son fils et ce dernier, du jour au lendemain, commence à se comporter d’une façon étrange. Elle décide donc d’enquêter afin de comprendre les agissements de son fils Minato. Elle s’apprête à découvrir que la situation est plus critique qu’elle le pense et qu’elle est incapable de discerner la vérité du mensonge.

Un scénario envoûtant

Lorsque l’on regarde L’innocence, le fait que le film ait remporté le prix du scénario au festival de Cannes 2023 apparaît comme une évidence. Le film prend le spectateur aux tripes. Le scénario traite de sujets extrêmement actuels, notamment dans la société japonaise. En effet, le film aborde le suicide, la violence parentale, le harcélement scolaire, le deuil, les familles mono-parentales, la découverte de soi lors de l’enfance, la difficulté du monde du travail… le tout exploré avec une justesse  époustouflante. Le scénario est rempli de bonnes idées avec de grands moments de tension et des retournements de situation, allant de révélation en révélation.

Le scénario est également très novateur dans son concept : la même histoire est contée à travers plusieurs points de vue, celui de la mère, du professeur principal, de la directrice de l’école ou des enfants, tous ont le droit à leur heure de gloire. De cette façon, le spectateur comprend les actions de chaque personnage. Ainsi, le public peut théoriser durant toute la durée du film sur les différents événements, essayant de démêler le vrai du faux. Le découpage du film et sa réalisation sont faits de manière à permettre au spectateur d’assimiler toutes les informations qu’il reçoit et de savourer le film avec aisance.

Les vingts dernières minutes du film sont à elles-seules un argument pour regarder l’œuvre tant elles sont magnifiques. L’histoire révèle enfin ses derniers secrets, le tout sublimé par une mise en scène extraordinaire qui ne manque pas de faire chavirer même les cœurs les plus durs. L’histoire de L’innocence fait traverser tant d’émotions que ce soit la tristesse, la colère, la révolte, la surprise ou encore la joie.

Des personnages et des relations complexes

Les personnages principaux comme secondaires sont bien écrits, complexes et ne tombent jamais dans les clichés rattachés à leur rôle. Ils sont très humains, agissant tous pour ce qu’ils pensent juste et se remettent fréquemment en question. Tous les personnages donnent vie à l’histoire et chacune de leurs actions a des répercussions sur la suite des événements. Les différents points de vue aident sincèrement à la compréhension des personnages, montrant que chacun continue de vivre sa vie bien qu’ils ne soient plus présents à l’écran. Cela provoque parfois de la frustration chez les spectateurs qui ne peuvent s’empêcher de détester les malentendus et de se dire que les choses auraient pu se passer autrement. Le spectateur vit au rythme des personnages qu’il apprend à aimer ou à détester.

Les relations entre les personnages sont extrêmement bien construites et sont d’une complexité troublante. En effet, le public voit les personnages interagir entre eux, commettant parfois des actes irréversibles pour leur relation. Les personnages se cachent des choses ; en avouent à demi-mots d’autres ; mentent pour se protéger les uns des autres. Toutes les interactions de l’œuvre reflètent la complexité de la société du XXIème siècle où garder les apparences et la peur du jugement sont monnaies courantes.   

Les dialogues sont également très intéressants puisqu’ils dissimulent beaucoup de messages cachés et d’indices pour la compréhension des relations et des personnages toujours avec une subtilité des plus plaisantes.

Des décors majestueux

Un autre des points forts du film sont ses décors. Ils servent totalement à l’immersion puisqu’ils sont très représentatifs de la vie quotidienne des japonais de la classe moyenne. Le long-métrage a été filmé dans plus de vingt-cinq endroits différents, tous situés dans la préfecture de Nagano au Japon durant l’année 2022. Le long-métrage alterne donc entre milieu urbain et nature, offrant aux spectateurs des plans somptueux. Les scènes tournées en forêt sont magnifiques, apportant un vrai contraste notamment grâce à leur mise en scène et leur importance dans le récit. La nature sert ici à créer une bulle de réconfort pour les deux personnages écoliers. En effet, les moments en forêt sont une véritable libération pour ces derniers puisque ce sont les seuls instants où ils sont eux-mêmes. Les décors et les détails visuels servent aussi à la narration du récit. Des informations très importantes à la compréhension des détails sont dissimulées parmi les décors et sur les personnages : les décors donnent avec subtilité des indices sur les différents événements qui ont lieu. 

La musique, créatrice d’une ambiance magique

La bande originale a été réalisée par Ryūichi Sakamoto. Par ailleurs, il s’agit de sa de

rnière contribution pour un long-métrage avant son décès en mars 2023. En plus d’être sublime, la musique participe activement à l’ambiance et au rythme du film, donnant vie avec brio aux scènes de tension comme aux scènes d’une tristesse sans nom. On reconnaît parfaitement la patte de Ryūichi Sakamoto puisqu’elle est majoritairement composée de piano. La musique accompagne les scènes à la perfection. Elle n’est jamais de trop et permet au spectateur une immersion totale.

L’innocence est un excellent film qui, en plus d’avoir toutes les qualités citées plus haut, bénéficie d’un excellent casting. Chaque acteur joue à la perfection le rôle qu’il incarne. Le film transporte son public dans une histoire unique, lui faisant ressentir mille émotions. Il est évident que L’innocence marque d’ores et déjà le cinéma japonais au fer rouge de part son succès critique et ses thématiques actuelles.

Le film L’innocence a été diffusé lors d’une séance unique au  en hommage à Ryūichi Sakamoto.

Ines FATIH.