[#PORTRAIT] Hommage : Ryūichi Sakamoto, un artiste japonais des plus marquants

Au terme de sa longue vie, Ryūichi Sakamoto a su marquer l’industrie musicale à bien des égards. Au cours de son impressionnante carrière, le musicien japonais a même reçu la consécration ultime, l’Oscar de la meilleure musique de film en 1989. Retour sur cette personnalité publique, bien trop méconnue du grand public occidental. 

Ryūichi Sakamoto est né le 17 janvier 1952 à Tokyo. Il commence le piano à l’âge de six ans et réalise ses premières compositions quelques années plus tard. Décidé à faire de la musique son domaine de prédilection, le jeune Sakamoto intègre l’université des Beaux-arts et de la Musique de Tokyo où il étudie les musiques du monde et la musique électronique en se spécialisant en Ethnomusicologie.
Cette période de sa vie est très importante pour la suite de son parcours puisqu’il découvre de nombreux genres musicaux qui deviendront des piliers de sa mu
sique comme le jazz, les musiques traditionnelles africaines ou la musique indienne. 

 

Ses débuts et la formation du groupe Yellow Magic Orchestra (YMO)

En 1975, Sakamoto collabore avec le percussionniste Tsuchitori Toshiyuki afin de sortir l’album Disappointment-Hateruma qui n’a pas connu un grand succès. Plus tard, Ryūichi Sakamoto cofonde avec Haruomi Hosono et Yukihiro Takahashi le groupe Yellow Magic Orchestra (YMO). Au sein du groupe, Sakamoto est à la fois musicien, compositeur, chanteur et producteur de musique. Il compose de nombreux hits japonais comme Tong Poo ou You’ve Got to Help Yourself. Le groupe est influencé par de multiples genres et s’inspire notamment du groupe allemand Kraftwerk. Leur musique joue un rôle fondateur dans l’implantation de l’électro-pop, la synth-pop ou de l’ambient house.

Yellow Magic Orchestra connaît un succès retentissant au Japon et à l’international notamment avec le titre Computer Game qui finit dans le top 20 britannique au début des années 1980s. Malgré le succès non négligeable d’YMO, le groupe annonce une pause en 1983 avant de ressortir un dernier album dix ans plus tard nommé Technodon.
Le groupe s’est reformé de manière ponctuelle pour des concerts caritatifs ou des événements. 

 

Une carrière solo en parallèle

La carrière solo de Ryūichi Sakamoto est extrêmement riche puisqu’il a sorti quasiment une vingtaine d’albums, tous rencontrant un certain succès. Un de ses morceaux Riot in Lagos est même cité par The Guardian comme l’un des plus gros événements de la dance music

Il collabore avec des personnes de tous horizons comme l’anglais David Sylvian ou le grand David Bowie. Peu à peu, sa musique s’éloigne du style électronique initié par son expérience au sein du groupe YMO pour se rapprocher des instruments acoustiques, faisant même appel à plusieurs reprises à des chanteuses traditionnelles de la région japonaise d’Okinawa. Toujours guidé par l’envie d’explorer de nombreux genres musicaux, Ryūichi Sakamoto s’essaie à l’afro-beat, du hip-hop, du jazz en passant par la musique médiévale. Sakamoto touche à tout, explorant en profondeur le sujet d’études qu’il avait sélectionné à l’université.

 

Un point d’ancrage : le cinéma

Plus d’une quarantaine de musiques de films sont le fruit de la créativité de Ryūichi Sakamoto.
Sa renommée dans le monde cinématographique commence lors de l’année 1984 lorsqu’il reçoit le BAFTA de la meilleure musique de film avec ses compositions pour le long-métrage
Furyo. Ryūichi Sakamoto est également un acteur doué. Dans Furyo, il joue un des rôles principaux celui d’un capitaine japonais qui entretient une relation ambiguë avec le personnage joué par David Bowie. Son ascension ne s’arrête pas puisque quatre ans plus tard, en 1988, il reçoit l’Oscar de la meilleure musique de film avec Le Dernier Empereur. Il joue dans ce film un rôle secondaire qui sera l’un de ses derniers car il estime apprécier davantage  composition de la musique plutôt que le jeu d’acteur.

Sa notoriété n’étant plus à faire, Ryūichi Sakamoto compose pour de nombreux films japonais
et occidentaux. Il reçoit de nombreuses nominations aux Oscars ou aux Grammy avec The Revenant d’Alejandro González Iñárritu. Certaines de ses œuvres sont même utilisées dans des films comme le morceau Chinsagu No Hana repris dans le film Babel. Sa renommée en tant que compositeur va même jusqu’à lui offrir l’opportunité de composer et de diriger le thème de la cérémonie des jeux olympiques d’été de 1992 à Barcelone.

 

Un artiste engagé

Conscient de son influence, Ryūichi Sakamoto n’hésite pas à faire entendre sa voix et à défendre les causes qui lui tiennent à cœur. Il est considéré par Le Monde comme l’une des rares personnalités japonaises engagées politiquement. En 2003, il exprime fortement son désaccord face à l’invasion de l’Irak. En 2022, il livre une composition dont toutes les recettes sont reversées aux victimes de l’invasion russe en Ukraine. 

Dans un autre registre, Ryūichi Sakamoto est un véritable défenseur de l’environnement. Il fonde l’organisation non-gouvernementale More Trees en 2007 avec l’objectif d’aider à la gestion durable des forêts au Japon, aux Philippines et en Indonésie. Il lutte avec hargne contre le nucléaire depuis les incidents Fukushima en 2011. Il dirige même un orchestre avec les enfants victimes des répercussions de l’explosion. Peu de temps avant sa mort, il envoie une lettre au gouverneur de Tokyo pour exprimer son refus d’un projet de construction qui menace l’écosystème local. 

Ryūichi Sakamoto aura été tout au long de sa vie une personnalité inspirante à travers sa musique et ses engagements. Il n’a cessé de vivre pour sa passion. A peine quelques mois avant sa mort, il signe un featuring avec le rappeur coréen. Agust D également connu sous le nom de SUGA des BTS et le chanteur WOOSUNG du groupe The Rose dans le titre Snooze. Une chanson à la fois douce et percutante. Il signe aussi sa dernière bande originale pour un film puisqu’il a composé les titres de Monster.

En hommage à cet artiste de talent emporté par un cancer le 28 mars 2023, le Festival du Film de La Roche-sur-Yon édition 2023 vous propose de revivre son dernier concert filmé OPUS qui sera projeté le mardi 17 octobre au Cyel. Vous pouvez également écouter ses dernières créations musicales en regardant Monster qui sera présenté le jeudi 19 octobre à 14h au Manège. 

Ines FATIH.