Au mois de novembre, nous célébrons tristement la journée mondiale de la prévention des abus envers les enfants (19 novembre), ainsi que celle consacrée aux droits de l’enfant (20 novembre), des droits aussi bien peu respectés dans certaines régions du monde que dans notre propre pays parfois. Nous avons tous une place dans cette lutte, un rôle à jouer, bien que l’on ne sache pas toujours duquel il s’agit. Un sourire, un regard bienveillant, un signalement. Un partage sur les réseaux sociaux qui peut sauver une vie. Aujourd’hui, c’est à mon tour d’apporter ma pierre au rempart contre l’indifférence face à ce fléau. Demain, je ne doute pas que cela sera à vous. Je vous propose de découvrir une nouvelle, une histoire en cinq pages : celle d’un enfant. Peut-être vous, une sœur, un cousin, un voisin. Un enfant qui vit, qui voit, qui entend ces choses dont on n’ose pas parler.

 

Découvrez la première partie de la nouvelle écrite par Andréa Louvel :

1. La Plage

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours détesté aller à la plage. Peut-être parce que je l’y ai rencontré. J’étais un enfant, innocent, un peu idiot ; « peu familier avec la malveillance qui ravage le monde » est une meilleure tournure j’imagine. J’avais déjà croisé la route de bien des mauvaises personnes dans ma vie, surtout parmi mes camarades de classe. Léa avait dit du mal de Sophie, Julie avait fouetté Emma avec sa corde à sauter car elle avait été la première à obtenir un bisou de Thomas. Les chroniques du bac à sable quoi. Ce qui me fait penser que, même si j’ai toujours détesté la plage, j’aime beaucoup creuser dans le sable. Je ne pense pas qu’il y ait, quand on est enfant, des passe-temps plus passionnants que celui de chercher un trésor, qu’il soit fait de coquillages, de piécettes ou même de bijoux égarés. Et si vous êtes équipé d’une pelle en plastique flambant neuve que votre mamie vous a offerte à votre anniversaire, vous êtes parti pour une sacrée aventure ! J’étais ce genre d’enfant qui cherchait quelque trésor enfoui ou creusait des douves autour de son château de sable quand nous allions à la plage.
Et c’est exactement ce que je faisais, sous la chaleur écrasante du mois d’août, quand je l’ai rencontré. Il marcha vers nous au bord de mer. On m’a dit par la suite que se faisant, il avait détruit quelques châteaux de sable. Je peux visualiser les vagues s’écraser à ses pieds comme des mains d’écume tentant d’atteindre ses chevilles, de l’entraîner vers le large, comme si elles savaient déjà ce qui allait arriver. Quand il me vit pour la première fois, il a dû penser : « Quel enfant bête ! » mais il a dit bonjour. Je ne répondis pas, je ne savais pas qu’il me parlait. C’était un après-midi estival et la plage était si bondée – il aurait pu être en train de parler à tant d’autres personnes, vraiment. Mais mon frère me tapota gentiment sur l’épaule, ce qui me fit tourner la tête et je compris immédiatement. J’étais un enfant intelligent, un petit prodige même : c’était le nouveau petit-ami de Maman, mais je n’en pensais rien. Je m’en fichais ; je n’avais d’yeux que pour mon château de sable.
« Est-ce que tu veux que je t’aide à finir ton château, ou tu préférerais que j’en commence un près du tien? »
Il fit les deux au final, sans se soucier de ce que je voulais. D’un côté, il a posé ses doigts sur mes tours et mon donjon de sable, finissant mon château pendant que je fixais ma mère d’un air furieux ; ne pouvait-elle pas voir qu’il n’était pas gentil, ne pouvait-elle pas déjà percevoir son obsession de tout contrôler ?
Il y eut un autre château, d’un autre côté, invisible à l’œil non affûté et mal informé. Il parut aimable, intelligent, talentueux au début, et continua de se comporter comme une personne charmante aux yeux du monde extérieur. Pourtant, derrière nos portes closes, et pour les années à venir, il devint l’architecte d’une véritable forteresse, intrusif, creusant des douves de plus en
plus profondes. L’eau coulait à torrent dans ces douves imaginaires ; des torrents d’interdictions et de dénigrement prêts à noyer celui d’entre nous qui oserait tenter de s’échapper, menaçant de nous faire échouer sur la rive du côté du château. Et alors, on n’avait d’autre choix que celui de frapper au pont- levis, entrer, se sentir au plus bas, tenter de s’échapper à nouveau, échouer misérablement, s’échouer aux pieds du château, frapper au pont levis, entrer. Encore et encore. Nous étions piégés et isolés, sans que quiconque ne sache jamais ce qu’il se passait derrière les murs épais et insonorisés de notre donjon.

Suite très bientôt…

 

Je vous souhaite une bonne lecture, et je vous invite à me contacter si vous avez un commentaire à partager sur mon histoire ~ (Instagram : @anddrea.lvl)

 

Article et nouvelle par Andrea LOUVEL