“Just setting up my twttr”. Ce tweet ne vous dit peut-être rien, mais en vérité, il vaut près de 2,5 millions de dollars, puisqu’il a été mis aux enchères sous forme de NFT il y a quelques semaines. L’occasion rêvée  pour se pencher sur cette nouvelle technologie bouleversant, entre autres, le marché de l’art virtuel. Mais les NFT représentent-ils réellement l’avenir de ce marché comme tendent à l’affirmer certains ? Incarnent-ils le nouvel eldorado numérique ?

Les NFT, ou non fungible token, sont une technologie ayant été utilisée pour la première fois en 2017, et qui a récemment bénéficié d’un réel engouement médiatique avec la participation récente de nombreuses personnalités dont Elon Musk. Ils permettent des transferts d’objets virtuels très variés, sans profil type, comme des saveurs particulières de chips en passant par des fresques urbaines ou encore des cartes à collectionner virtuelles NBA.

Cependant, la frontière entre cette nouvelle technologie et de simples monnaies virtuelles, comme le bitcoin, semble très poreuse et beaucoup tendent à les assimiler.

Quelles différences avec les monnaies virtuelles dites « classiques » ?

Les NFT, non fungible token, formule traduite par “jeton non fongible” sont en réalité bien différents des monnaies virtuelles classiques, bien qu’ils aient pour caractéristique commune leur dématérialisation évidente.

Les NFT ne sont tout de même pas étrangers aux monnaies virtuelles, puisque celles-ci sont nécessaires à leur achat. La différence fondamentale réside dans le fait que les NFT ne sont pas échangeables, d’où leur dénomination. Ils sont en quelque sorte des certificats d’authenticité virtuels. Ainsi, ils sont intrinsèquement liés à la blockchain, une technologie de stockage d’informations sécurisée et transparente garantissant leur authenticité en deux clics. Chaque NFT est donc unique, à la différence d’une valeur monétaire qui est indépendante de son support : un billet de 10 euros est remplaçable par deux billets de 5 euros, ce qui n’est pas le cas d’un NFT. De plus, les NFT contiennent bien plus d’informations : la date et le lieu de l’acquisition, l’auteur de l’objet, ses conditions de rémunération…

Mais cette différence ayant été explicitée, quelles nouveautés sont apportées par les NFT, sachant qu’ils ne se confondent pas avec les monnaies virtuelles classiques ?

La rareté virtuelle

L’avancée majeure introduite par les NFT est la notion de rareté virtuelle. En effet, celle de valeur monétaire existait déjà, à l’image des nombreux usages dans le domaine des jeux vidéo ou des nombreux logiciels à exploitation payante. Cependant, il était alors impossible, à l’inverse de la valeur, de certifier de l’unicité et de l’authenticité d’un objet virtuel, et donc d’estimer sa rareté.

En guise d’exemple, les NFT furent utilisés pour la toute première fois dans un jeu vidéo : “Kittycats”. Le principe était simple : l’utilisateur devait acheter des chats et les troquer avec d’autres joueurs. Chaque animal n’était qu’un simple être parmi d’autres, et ne correspondait pas à une somme monétaire virtuelle : il était un individu unique. Il est donc logique que la technologie des NFT ait été utilisée.

Afin de saisir au mieux la substance de cette technologie, une analogie avec le monde réel et physique semble opportune. Acheter un véritable tableau permet de le posséder dans sa forme initiale : l’original de la peinture a une réelle valeur. Il reste cependant possible de reproduire l’œuvre, notamment via une contrefaçon. Mais celle-ci ne sera alors qu’une pâle copie, la substance réelle de l’œuvre résidant dans l’original et dans le fait que l’artiste l’ait signée.

La difficulté dans le monde virtuel demeure dans le fait que n’importe quel objet puisse être parfaitement reproduit via un simple “copier-coller”. Ainsi, les NFT permettent la certification de l’authenticité d’un objet virtuel et ce, vérifiable en deux clics.

Quels sont les usages concrets des NFT à ce jour ?

Dans un futur relativement proche, on peut espérer une réelle démocratisation de cette technologie, dans la mesure où son processus d’utilisation est simple et gratuit. De plus, elle permet d’abattre certaines barrières puisqu’il suffit d’une simple connexion internet pour acquérir des NFT, peu importe la localisation géographique de l’acheteur. Les NFT permettent donc de renouer avec le mythe fondateur d’internet : un espace virtuel dénudé de réglementation, où chaque individu pourrait évoluer librement, sans contrainte et dans une logique égalitaire.

Ainsi, il est possible de convertir vos plus belles œuvres en NFT afin de les vendre en quelques clics sur le site Nifty Gateway. Vous pouvez aussi commencer à collectionner la version virtuelle des cartes panini en NFT sur le site Sorare.

Au-delà de ces simples usages, le secteur utilisant le plus cette nouvelle technologie est celui de l’art contemporain. En effet, les NFT brisent une limite qui bridait auparavant de nombreux artistes : comment rendre une œuvre virtuelle unique et donc en conserver la valeur ? Ainsi, un nouveau marché artistique est actuellement en vogue, d’autant plus que les NFT permettent sa démocratisation car ce secteur était auparavant réservé à une certaine élite culturelle. Les NFT permettent par ailleurs de créer un lien réel entre l’artiste et l’acheteur, sachant qu’ils ne nécessitent l’intervention d’aucun intermédiaire. Enfin, ils établissent un système de royalties, assurant ainsi un revenu stable aux artistes qui peuvent à présent vendre des œuvres insolites auparavant invendables, telles que des graffiti urbains.

Un nouvel eldorado numérique ?

Cependant, l’usage des NFT n’est pas sans risque. En premier lieu, étant donné qu’ils créent avant tout un marché virtuel, ils génèrent inévitablement une forte pollution, accentuée par le processus de création des jetons numériques, appelé mining, extrêmement énergivore.

Ensuite, comme dans chacun des cas où une nouvelle technologie est largement démocratisée, les NFT n’échappent pas à la règle : les autorités recensent déjà de nombreuses arnaques impliquant souvent d’immenses sommes d’argent. De plus, un NFT permet certes d’authentifier une œuvre et d’empêcher, en théorie, son usage par d’autres individus. Cependant, nous sommes forcés de constater que la régulation à grande échelle de telles pratiques se révèle en vérité être impossible.

Enfin, face au large engouement que connaissent les NFT, certains craignent une bulle spéculative qui, si elle venait à éclater, porterait un sérieux coup à la légitimité du commerce virtuel. De quoi refroidir une partie des acheteurs potentiels, signe que les NFT ne sont probablement pas l’eldorado virtuel qu’ils prétendent être.

Elio LEVY-SOUSSAN