« Unbelievable » (série « true crime » sur Netflix) : les failles du système juridique US
La mini-série Unbelievable sur Netflix relève du genre dit « true crime » car très proche de ce qu’il s’est réellement passé : soit l’histoire vraie de Marie, accusée par la police d’avoir inventé son viol. Sortie le 13 septembre 2019, elle comporte huit épisodes qui présentent les défaillances, sinon les failles graves, du système judiciaire étasunien tout en saluant la tenacité de deux inspectrices, Edna Hendershot et Stacy Galbraith.
L’histoire d’Unbelievable :
Après 9 heures du matin – Lundi 11 août 2008 – LYNNWOOD, WASHINGTON.
Marie a été violée par un homme sous la menace d’un couteau et ligotée après que le violeur a pris des photos d’elle. Par la suite, il l’oblige à aller dans la salle de bain pour qu’elle se lave. Pendant ce temps, il prend les draps du lit puis s’enfuit. Ligotée, Marie trouve un moyen d’appeler la police. Jusque-là une histoire malheureusement trop commune. Ce qui distingue l’histoire de Marie -son nom a été changé pour des raisons d’anonymat- c’est que les policiers de Lynnwood, petite ville où se sont passés les faits, ne l’ont pas crue, influencés par le passé de la jeune femme de 18 ans qu’ils interprètent en sa désaveur. À la suite de pressions des policiers, Marie se rétracte, et dit avoir menti.
12 mars 2009 – LYNNWOOD, WASHINGTON. Le pire dans cette histoire -bien qu’il n’y ait pas de meilleur- est que Marie se voit alors être poursuivie pour fausse déclaration. Même l’avocat de Marie est surpris puisque sa déclaration n’a eu aucune réelle conséquence (elle n’a accusé personne, et les policiers n’avaient aucune piste). L’offre du procureur pour enterrer cette affaire est de 500$ (447.80 €) pour couvrir les coûts de procédure, à la condition que Marie aille consulter un psychologue pour l’aider à comprendre pourquoi elle a menti. Marie voulant laisser cette affaire derrière elle, après avoir perdu son travail, ses amis, son appartement, accepte.
6 janvier 2011 – GOLDEN, COLORADO. Deux enquêtrices, Edna Hendershot et Stacy Galbraith qui ne se connaissent pas personnellement sont amenées à travailler ensemble. Elles ont en charge chacune une affaire de viol, mais les deux qui se ressemblent beaucoup : menace au couteau, victime ligotée, prise de photos, puis fuite du violeur après avoir emmené les draps. Les deux enquêtrices vont mettre toute leur énergie et ne jamais se décourager jusqu’à trouver d’autres victimes. Parmi celles-ci, des femmes de tous âges (jeunes et âgées) et de tous milieux. Edna Hendershot et Stacy Galbraith comprennent qu’un violeur en série se balade dans les rues. En faisant leurs recherches, elles se rendent compte que Lynnwood a également une affaire de ce genre. Mais qu’en outre, la petite ville connait un taux record de classement sans suite des affaires d’agressions sexuelles et de viols : 21 % des dossiers, soit 5 % de plus que la moyenne nationale étasunienne. Elles trouvent les enquêteurs qui étaient à l’origine en charge de l’affaire de Marie. Elles expliquent à ces derniers que la victime n’a pas menti, et vont lui rendre visite.
9 février 2011 – WESTMINSTER, COLORADO. Les deux enquêtrices découvrent le nom du violeur, Marc O’Leary, grâce à une caméra de vidéo surveillance qui a filmé son pick-up blanc. De plus, O’Leary correspond au profil : c’est un militaire connaissant assez bien la police pour qu’il sache comment détourner l’attention. Or les détectives savaient déjà depuis leur rencontre que le violeur sélectionnait ses victimes selon l’État où elles se trouvaient. En effet, les systèmes informatiques aux États-Unis n’étant pas nationaux, les différents enquêteurs ne savaient pas qu’il existait des affaires similaires dans d’autres États et n’avançaient donc pas dans leur enquête. Voire : plusieurs d’entre eux tout en ayant différentes preuves ignoraient qu’ils cherchaient la cherchaient la même personne.
8 heures 15 du matin – 13 février 2011 – COLORADO. Edna Hendershot et Stacy Galbraith arrêtent le criminel au Colorado le 13 février 2011. Il est condamné à 327 ans et 6 mois de prison (le maximum possible au Colorado). Après avoir plaidé coupable. Il prononce ces mots : « Si Washington avait fait plus attention, j’aurais été suspecté bien avant ». Il ne sortira jamais.
Dans cette affaire édifiante, les failles et les errements du système judiciaire exposés par Unbelievable sont accablantes : non seulement Marie a dû répéter son histoire à plusieurs reprises durant les quarante-huit heures qui ont suivi son viol, mais en plus elle a subi des pressions à la suite desquelles avoue avoir menti. Mais cela n’est pas assez : elle est poursuivie pour fausse déclaration.
Marie était la première des victimes, mais pas la dernière. Il y en a eu beaucoup trop d’autres. Les policiers de Lynnwood ne l’ont pas crue. S’ils l’avaient fait, l’histoire aurait pu être différente, et les victimes beaucoup moins nombreuses. Trois ans ! Trois ans de liberté pour ce violeur à cause d’un système rempli de préjugés. Telle est la morale de l’histoire.
Marie a poursuivit la ville et obtenu 150 000$ (environ 136 000 €) qui lui ont permis de refaire sa vie. Elle s’est mariée et a eu des enfants. Quant aux policiers, ils n’ont pas été sanctionnés.
Dernier point : avant de partir de Washington, Marie est passée voir le policier qui ne l’a pas crue lorsqu’elle est venue déclarer son viol. Celui-ci lui a dit « Je suis vraiment désolé ». Et elle, de son côté, l’a cru.
Cassandra Hery Lagadec
La série Unbelievable s’inspire de l’article « An Unbelievable Story of Rape » merveilleusement écrit par T. Christian Miller et Ken Armstrong. Il a été publié sur ProPublica le 16 décembre 2015 et raconte en détail l’histoire de Marie et le travail des deux enquêtrices. Il a été auréolé du Prix Pulitzer en 2016. L’histoire d’Unbelievable est celle d’une affaire qui n’aurait jamais dû arriver… mais qui arrivera probablement de nouveau dans le futur.