[# NOUS AVONS VU ] Les Hauts de Hurlevent : Un souffle de réalisme dans les salles obscures

À l’occasion de l’avant-première de Cow, le Festival a souhaité honorer le parcours de la cinéaste britannique Andrea Arnold. À ce titre, l’Auditorium du Cyel à (re)-présenté cette semaine une projection des Hauts de Hurlevent, déjà sorti en salles en novembre 2011. Retour sur une adaptation naturaliste et symboliste du classique gothique d’Emily Brontë qui aura valu à sa réalisatrice le prix de la meilleure photographie au Festival de Venise en 2011.

Le long-métrage plante son décor au 19ème siècle, dans les terres sauvages de Swaledale dans le Nord du Yorkshire, en Angleterre. On y suit le quotidien brutal du jeune vagabond Heathcliff (Solomon Glave) recueilli par M. Earnshaw. Celui-ci  vit seul avec ses deux enfants, Hindley et Cathy (Shannon Beer) dans une ferme délabrée et isolée. Fougueux et provocateur, le jeune garçon ne tardera pas à s’attirer les foudres de l’aîné de la maisonnée et sera en permanence confronté à ses violences physiques et morales. Heathcliff deviendra alors rapidement le protégé de la benjamine, Cathy, avec qui il développera une relation aussi intense que complexe. En s’apprivoisant mutuellement, les deux jeunes gens se découvriront une sorte d’attraction floue et destructrice. À la mort du père de Cathy, Heathcliff verra son quotidien se durcir jusqu’à en devenir presque insupportable. Aux railleries et cruauté d’Hindley, s’ajoute l’absence progressive de Cathy qui, courtisée par le fils de riches voisins, s’éloigne et délaisse Heathcliff, désormais seul.

Une relation ponctuée de non-dits

Le garçon se renferme sur lui-même, devient violent et impitoyable. L’annonce du prochain mariage de Cathy avec son prétendant sera le début d’une véritable descente aux enfers pour Heathcliff qui s’enfuira, pris d’une douleur et d’une fureur incontrôlables.

Le jeune garçon, devenu maintenant un homme reviendra quelques années plus tard sur les terres hostiles de son enfance, transformé (du moins en apparence). Élégant et charismatique, Heathcliff (désormais interprété par James Howson ) se présente à son ancien bourreau comme un gentilhomme, distingué et libéré de toute rancœur. Son attachement fraternel pour Cathy (campée par Kaya Scodelario) s’est transformé en un amour obsessionnel et malsain. Impatient de revoir l’objet de tous ses désirs, Heathcliff se précipite vers la somptueuse demeure de Cathy, désormais mariée. Leurs retrouvailles sont à l’image de leur relation tragique et ponctuée de non-dits.

Depuis sa publication en 1847, les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë est un des ouvrages les plus lus au monde. Il a inspiré une multitude de créations artistiques (films, poèmes, ballets, opéras…). À la fois féministe, freudien et gothique, le livre dépeint une histoire d’amour obsessionnel sombre et cruelle.

Une catharsis brute et sauvage

Avec son interprétation du roman, Andrea Arnold présente une version plus brute et plus violente du classique romantique. Ce parti pris, la réalisatrice l’explique de par sa volonté à « rester fidèle à l’esprit du roman ». Si ce dernier a été adapté de nombreuses fois sur grand écran, la plupart de ces adaptations présentent des versions mélodramatiques et fantastiques. « En réalité, explique Andréa Arnold, les Hauts de Hurlevent dépeint une sombre histoire d’obsession et de désespoir au destin tragique».  La cinéaste britannique propose ainsi un questionnement sur les travers enfouis de protagonistes torturés, par le biais d’une catharsis brute et parfois sauvage. Le spectateur est ainsi invité à s’interroger entre autres sur le caractère tumultueux d’Heathcliff et sur la façon dont ce dernier est entièrement soumis à ses passions.

Un film profondément naturel

Les Hauts de Hurlevent par Andréa Arnold est un film extrêmement sensoriel. Les pleurs, les coups, les cris, les animaux et le vent ponctuent chaque image du long-métrage.

Ces sons témoignent de l’omniprésence de la nature, qui surplombe et observe impitoyablement la totalité de la tragédie sans jamais y prendre part. Belle et rassurante au début du film, elle devient progressivement brutale, furieuse et destructrice au fur et à mesure du dénouement de l’histoire. Les personnages font parties de cette nature ; ce sont des animaux qui ne se contrôlent pas toujours. C’est le cas notamment pour Heathcliff, qui après s’être perdu dans l’immensité sauvage de la campagne anglaise, est devenu une réelle force de la nature.

Avec les Hauts de Hurlevent, Andréa Arnold propose au spectateur une expérience tragique et brutale qui met en exergue les travers humains et les passions qui dominent l’individu. Ce film profondément naturel casse les codes romantiques trop souvent associés au roman original et présente une interprétation terriblement réaliste.

Romane Pichon