J’ai vingt ans. Dans ma famille, le petit débat qui s’est créé autour de moi depuis quelques temps est de savoir si, à vingt ans, on est adulte.

Selon Papa, j’ai vingt ans et je suis “tout sauf une adulte”. Ah. Évidemment, je ne l’ai pas franchement bien pris. Donc, en toute bonne foi, je lui ai demandé ses critères d’adultologie. Sauf que, étonnamment, il n’a pas su me répondre…

Alors je m’essaye à trouver des critères particuliers :

  • Apparence physique. Bon, j’avoue, ce point ne joue pas en ma faveur… Aux dernières nouvelles, je fais 1,58 mètre et demi (et je tiens à ce demi-centimètre), j’ai une bouille de jeune lycéenne, et la puberté continue de s’éprendre de mon front.
  • Comportement. Là pareil : je fais généralement le pitre, j’adooore les films d’animations (particulièrement Krokmou dans Dragons 2 !), et à l’inverse j’ai une sacrée trouille des films avec de la bidoche… Bon, et puis il faut le dire, je me déplace constamment en trottinette et avec un truc à bulles dans la poche de mon manteau.

MAIS

  • Autonomie. Je n’ai jamais été dans le mal parce que je n’avais plus rien de propre à me mettre ou parce qu’il ne me restait que des pelures de patates à manger ! Je dirais même que je suis trop raisonnable, à vouloir me préparer des repas équilibrés, sortir m’aérer, et même repasser mes vêtements alors que, soyons honnête, c’est chiant de repasser ses vêtements.
  • Maturité. Certes, j’aime faire le clown de service. Mais je sais être sérieuse quand il le faut, faire des choix et en assumer les conséquences, concilier des avis et affirmer ceux qui me sont propres… Et être à l’écoute aussi, des autres et du monde qui m’entourent, pour essayer de mieux les comprendre et possiblement de les aider.

En fait, si “adulte” veut dire ne plus du tout dépendre de ses parents, là d’accord, je ne le suis pas ne serait-ce que financièrement. Mais si “adulte” veut dire savoir être autonome et responsable, je pense que je m’en rapproche. Que je m’en rapproche beaucoup même.

Alors Papa, Maman, pour tout l’amour que je vous porte, j’aimerais vous donner mon avis sur cette question d’adultologie.

La vérité est que, après réflexion, ça m’est bien égal de savoir si je suis adulte ou pas. Je ne cherche pas à atteindre un idéal, simplement à être heureuse et fière d’être moi. Et à vrai dire, je pense que c’est aussi ce qui vous importe : ça vous manquerait de ne plus me voir cachée derrière la porte de votre chambre en attendant que le chat me trouve, ou de ne plus avoir à sourire poliment en goûtant mes tests culinaires toujours aussi “plougs”, pas vrai ?

Il y a simplement eu cette phrase rapportée hors contexte (par le petit frère en plus : méfiance !), “Léa, c’est tout sauf une adulte”. Et en retour, ces nombreuses piques que je lance comme autant de réponses (ou de justifications ?) sans savoir moi-même si elles relèvent du reproche ou de la plaisanterie. On prend part au jeu et on en rit jaune : “arrêter de me mettre à genoux quand on est à table ? Owf non, trop adulte pour moi !”

Je ne vous serai jamais assez reconnaissante pour tout l’amour et le soutien inconditionnels que vous me témoignez. Et je chéris sincèrement la complicité et l’esprit de famille dans lesquels vous m’avez fait grandir… même si je n’aime pas vous donner raison quand vous dites qu’ils se sont bâtis sur les valeurs du catholicisme (trop risqué, ça : après je n’aurai plus d’argument pour échapper à la messe !). C’est beau et rare de pouvoir être aussi proches, et croyez bien que je mesure ma chance. Simplement, j’aimerais que vous effectuiez à votre tour cette petite introspection : est-ce vraiment que vous ne me trouvez pas adulte ? Ou bien n’est-ce pas plutôt, et tout simplement, votre appréhension de me voir quitter peu à peu votre nid ?

Texte de Léa Bouleau

Photo de Margaux Daniaud