[#NOUS AVONS VU] The Pod Generation, entre satire et réalité.

À l’affiche lors de ce troisième jour du Festival International du Film, The Pod Generation fait sa première française dans les salles yonnaises en présence de sa réalisatrice.

 

Né des rêves de la réalisatrice française Sophie Barthes lorsqu’elle était enceinte, The Pod Generation se dévoile aux écrans, pendant 1 heure et 51 minutes, comme un long-métrage de science-fiction sur le futur des naissances dans un monde régi par la technologie.

 

Source photo : allocine.fr

Un synopsis inquiétant

Situé à New-York dans un futur proche où l’intelligence artificielle est implantée dans la vie des gens, Rachel et Alvy souhaitent avoir un enfant. Ils confient alors cette tâche à une nouvelle technologie qui se répand aux Etats-Unis. Sous le nom de « pod », cette machine innovante à l’apparence d’un œuf permet d’abriter en son sein un bébé, évitant alors aux femmes d’être enceintes. 

Entre fiction, prévention et comédie, le film explore les limites du progrès dans un monde contrôlé par la constante innovation. Il pose la question de l’éthique ainsi que la relation de plus en plus floue entre humain et nature.

 

Des personnages attachants

Incarnés par Emilia Clarke et Chiwetel Ejiofor, Rachel et Alvy entraînent le public dans leur voyage vers la grossesse artificielle. Par leurs personnalités différentes, leurs positions opposées vis-à-vis du pod et leur adaptation face à l’innovation, Rachel et Alvy se complètent malgré tout et se rejoignent dans l’envie d’avoir un bébé. Mais rien n’est facile quand ces deux personnages forts en caractères expriment des avis opposés face à la création d’un bébé de manière non-naturelle. The Pod Generation démontre comment un couple aux points de vue différents arrive à surmonter ensemble cette étape qu’est la grossesse, bien qu’elle soit externe au corps de Rachel. Les acteurs plongent les spectateurs dans l’intimité de leur personnage, où conflit, hormones et joie d’être parents se développent. Les prestations exceptionnelles d’Emilia Clarke et de Chiwetel Ejiofor, la diversité des sentiments qu’ils expriment plongent le public dans un roller-coster d’émotions. 

 

Des décors immersifs

Ce n’est pas seulement le scénario qui permet aux spectateurs de s’implanter avec aise dans ce monde futuriste, mais également l’ambiance créée par les décors. Débordant de nouvelles technologies avec lesquelles le public n’est pas familier, le film prend le temps de montrer ces appareils qui habitent le quotidien des deux protagonistes. Entre porte automatique, assistant virtuel, masque en libre-service d’air pur, et machine créatrice de toast, la technologie est ancrée dans la vie de la population. L’apport humoristique lié à ces objets, plus fous les uns que les autres, permet aux spectateurs de découvrir facilement ce futur qui paraît des plus absurdes.

L’attention attribuée aux détails est particulièrement soutenue. L’entièreté du building appartenant à la société qui propose les services de pod, intérieur comme extérieur, ne compte aucun angle droit. Passant des meubles, aux fenêtres, jusqu’aux luminaires, tout est arrondi. Cette subtilité n’est pas sans intérêt. En effet, la réalisatrice avoue s’être inspirée des designs de Steve Jobs, créateur de l’entreprise Apple, dans la conception de ses décors. L’homme d’affaires avait déclaré l’importance de l’absence d’angle droit dans ses appareils puisque que la nature n’en contient aucun. Il est donc plus agréable pour les humains de se retrouver dans un environnement qui leur est familier biologiquement. L’équipe de décorateurs a donc repris ce concept dans la mise en place de lieux et de pièces avec des objets courbés, donnant alors une atmosphère sereine tant pour les personnages que pour le spectateur.

Source photo : allocine.fr

Des thématiques sociales 

Bien que le film soit une satire sur l’avancée des technologies, il questionne tout de même le public sur un futur qui n’est pas si fictionnel qu’il n’y paraît. L’intelligence artificielle continue de jour en jour de se développer, avec notamment l’apparition début 2023 de ChatGPT, et invite à penser qu’un jour la grossesse artificielle sera possible. Ainsi, le film interroge cette probabilité sous le ton de l’humour, mais interpelle tout de même l’éthique face à ce rapport. À travers le système de pod apparaît la question d’une possible égalité entre les hommes et les femmes lors d’une grossesse. Ce propos est exploré dans le film avec le personnage d’Alvy, qui développe une affection et une dépendance appuyées à son bébé. 

La place de l’utérus  perçu comme un fardeau, la marchandisation du corps féminin et l’instrumentalisation des revendications féministes sont également des thématiques interrogées dans le film. La société proposant le système de pod vend son produit avec l’idée qu’il permet aux femmes d’être plus libres dans leur carrière professionnelle, mais également dans leur corps : plus de nausées, plus de vergetures, plus de douleurs. Ainsi, l’entreprise s’invite dans l’intimité de ses salariés performants pour vanter les propriétés bienfaitrices de la grossesse artificielle, de manière à les garder au travail. Aujourd’hui les grandes multinationales, et notamment les GAFAM, ont la mainmise sur le monde et n’hésitent pas à demander toujours plus d’informations personnelles sur leurs utilisateurs. Plus ces derniers communiquent des données personnelles, plus inconsciemment, ils perdent en liberté individuelle.. 

Ainsi, The Pod Generation permet d’explorer avec humour des thématiques très actuelles, dans un monde où l’intelligence artificielle se développe de plus en plus. Il invite à penser jusqu’où les entreprises iront pour « faciliter » la vie des clients et consommateurs et à quel degré elles auront une emprise sur ces derniers. 

Sterenn Leguérinel