Dune : critique d’un exploit cinématographique

Annoncée en février 2017, l’adaptation du roman éponyme arrive sur nos écrans après un développement compliqué. Problèmes de scénario, craintes des lecteurs et crise sanitaire : le film s’annonçait pourtant comme l’événement de cette fin d’année. Doté d’un budget de 165 millions de dollars (moins que la plupart des blockbusters d’aujourd’hui), le réalisateur Denis Villeneuve se devait de surmonter plusieurs défis : adapter la première partie d’un roman difficile à appréhender pour les néophytes (ce qui signifiait trouver le juste équilibre entre explication de l’univers et son approfondissement), mettre en scène les différentes planètes et leurs populations et rendre toute l’œuvre crédible. Le long-métrage sort donc enfin chez nous, dans un contexte fébrile, entre peur de décevoir et crise sanitaire limitant les entrées au cinéma. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Dune surpasse toutes les attentes.

Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est la passion avec laquelle Denis Villeneuve met en scène les différents éléments peuplant le monde de Dune. Aucun détail n’est laissé au hasard, aucun plan ne laisse indifférent : l’équilibre entre la fiction et la réalité se brouille sous nos yeux tandis que le réalisateur laisse exploser tout son savoir-faire. De la planète natale de la famille Atréides, caractérisée par ses forêts et un aspect maritime, aux paysages arides et secs d’Arrakis, la caméra prend son envol pour nous laisser le temps d’admirer et d’être stupéfait devant la beauté des décors et des effets spéciaux. Ceux-ci concurrencent et surpassent même ceux des traditionnels blockbusters d’aujourd’hui, ayant pourtant parfois le double du budget octroyé à ce long-métrage (un certain Avengers : Endgame et ses 356 millions de dollars de budget comparé aux 165 millions de Dune).
Le gigantisme des vers des sables, l’attaque brutale et mortelle des armées de la maison Harkonnen sur Arrakis ou encore l’infinité de sable composant la planète centrale du film : les rétines du spectateur sont attirés comme un aimant et ne peuvent se détacher de l’écran tant le niveau atteint par la qualité visuelle et la mise en scène du film paraissait auparavant inatteignable.

Variant les lieux où se déroulent les différents événements du film, le monde de Dune reste tangible et crédible du début à la fin. Grâce à des costumes distinctifs pour chaque population et un univers riche, la décision de Villeneuve quant à la direction artistique et photographique porte ses fruits jusqu’au dernier instant du récit.

Adapter : fidélité ou originalité ?

En effet, la décision a très vite été prise de séparer l’adaptation en deux parties afin de respecter l’œuvre originale de Frank Herbert et de ne pas être obligé d’omettre plusieurs aspects de l’histoire par manque de temps. Ainsi, ce choix prouve une grande volonté de respect de la part du réalisateur à l’auteur. Le résultat n’en est que bien meilleur, de part l’extrême richesse et complexité des intrigues et personnages à mettre en place. Avec 2 h 30 au compteur, le scénario ne s’éparpille pourtant pas et l’attention du spectateur est maintenue durant toute la durée du film. Souhaitant rester fidèle au roman, Villeneuve n’a pourtant pas le choix d’accélérer son récit dans ses phases “transitoires” afin d’avoir le temps de mettre en scène tous les axes pivots de l’œuvre originale.

Cependant, cette accélération ne se ressent pas et bien qu’un néophyte puisse être légèrement perdu à cause d’une intrigue trop politique et de concepts difficiles à appréhender, le film trouve le juste équilibre entre introduction pour les non-connaisseurs et satisfaction pour les lecteurs du roman. Constitué de deux bonnes scènes d’action typiquement issues du cahier des charges des blockbusters américains, Villeneuve continue malgré tout à être plus à l’aise avec les scènes de dialogues et autres petits échanges approfondissant la psychée et les relations entre les personnages, ce qui provoque un profond sentiment d’attachement envers eux au spectateur. Et lorsque le film bascule dans le chaos et que l’intrigue explose (littéralement), c’est à travers cet attachement essentiel envers les protagonistes que l’implication du spectateur se trouve démultipliée.

Un casting cinq étoiles

Une adaptation ne serait pas aussi réussie sans un casting capable de porter sur ses épaules l’importance que possède chacun des protagonistes. C’est bien simple, ceux-ci sont tous incarnés avec brio et avec un naturel renversant par grane quantité d’acteurs et d’actrices. Dave Bautista et sa force naturelle, Oscar Isaac et son charisme hypnotisant, Zendaya et son regard perçant (malgré un faible temps de présence à l’écran), … Bien que la grande quantité de personnages secondaires empêche de profiter pleinement de leur potentiel, le récit est suffisamment bien développé pour laisser une place à chacun et chacune. Mais les deux acteurs qui tirent le plus leur épingle du jeu à la fin du visionnage sont bien évidemment l’acteur principal incarnant Paul Atréides, Timothée Chalamet, et l’actrice incarnant sa mère, Rebecca Ferguson.

Les deux interprètes possèdent une alchimie évidente et, à travers leurs différentes interactions, l’évolution de leur relation au cours du film est terriblement touchante. Timothée Chalamet excelle en héros en devenir, jeune homme idéaliste se métamorphosant en guerrier au fil des événements vécus. Son jeu, sobre mais profond, peut pleinement s’exprimer quand la caméra s’attarde sur son visage et ses yeux tourmentés. Quant à Rebecca Ferguson, elle incarne ici une mère au savoir quasi-omniscient, détachée du monde réel mais profondément liée à son fils et à son mari. Le duo fonctionne donc particulièrement bien en étant le cœur du film. Il ne faut pas non plus oublier Stellan Skarsgård qui incarne le baron Vladimir Harkonnen, énigmatique et effrayant, que l’on verra sans aucun doute encore plus dans le second volet.

Enfin, un dernier mot sur la musique envoûtante de Hans Zimmer : celui-ci compose des morceaux tantôt mystérieux, tantôt épiques, en osmose avec la majorité des scènes (en particulier les chants puissants de son morceau intitulé Eclipse). Ressemblant parfois à celles du film de Christopher Nolan Interstellar, les morceaux retranscrivent à la perfection les caractéristiques de chaque planète, chaque famille et chaque obstacle.

Un bilan prestigieux

Il apparaît très facilement à la fin du visionnage que Denis Villeneuve réussit de la plus belle des manières son pari originel : Dune est épique, grandiose et une très bonne adaptation du livre éponyme. Conciliant nouveauté obligatoire et respect de l’œuvre originale, le réalisateur parvient à insuffler un souffle nouveau aux blockbusters américains d’aujourd’hui. Décors magnifiques, acteurs au meilleur de leur forme et bande originale puissante : Dune surpasse les limites et devient instantanément le meilleur film de science-fiction depuis Avatar de James Cameron en 2009. Il ne reste plus qu’à savoir si les recettes au box-office seront suffisantes pour mettre en chantier la deuxième partie. La balle est dans le camp de Warner mais, au vu du démarrage fulgurant du film dans plusieurs pays, officialiser la suite ne serait qu’une formalité. Les spectateurs en ont besoin. Et ils attendront le temps qu’il faudra.

Malo Gauvin-Drillaud