Le congé paternité en France : premier allongement depuis sa création
Eh oui, le congé paternité français fête seulement ses dix-neuf ans cette année ! Instauré en 2002, il connaîtra son premier allongement en juillet 2021, un réel progrès social.
Une avancée vers l’égalité femme-homme
Annoncée par le chef de l’exécutif comme la « grande cause du quinquennat », l’égalité femme-homme a franchi un nouveau pas le mercredi 23 septembre 2020.
En effet, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé le doublement de ce congé à partir de juillet 2021. Cet allongement, bien qu’il ne garantisse pas encore une égalité des congés maternel et paternel, représente une avancée cruciale pour les femmes, notamment en termes d’égalité professionnelle. Car force est de constater que la maternité est un réel frein dans la carrière professionnelle d’une femme. Dès son embauche, elle est susceptible d’être discriminée par le recruteur et désavantagée par rapport à son concurrent homme, qui lui, dans le cadre de l’arrivée d’un nouveau-né dans son foyer, n’aura pas l’obligation de s’arrêter de travailler pour 2 mois minimum.
De plus, le schéma classique issu du patriarcat admet que l’éducation des enfants revient exclusivement à la mère, le père étant même supposé incompétent dans cette tâche féminine. Cependant, de plus en plus de jeunes papas se révoltent contre cette idée et choisissent de s’impliquer pleinement dans l’éducation de leur bambin.
De jeunes papas impliqués
La nouvelle génération de pères casse les codes et choisit de s’impliquer dans l’éducation des enfants. Le congé actuellement accordé aux pères est relativement court, seulement 11 jours, auxquels il faut ajouter les 3 jours de congés de naissance, soit 14 jours au total. Deux maigres semaines leur sont accordées pour pouponner, tisser des liens avec leur bébé, soutenir leur moitié, construire une relation unique avec leur enfant. Cela semble bien maigre au regard de l’envie croissante des jeunes papas de prendre pleinement part à l’arrivée de ce petit être dans leur famille.
L’envie des jeunes pères de passer plus de temps auprès de leur nourrisson est soutenue par le rapport de la commission d’experts dirigée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik à propos des « 1 000 premiers jours de l’enfant », remis à l’exécutif le 8 septembre 2020. Ce rapport renforce l’idée que le lien père-enfant se développe au contact du parent, il soutient qu’« il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu’ils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse ». Il en va donc aussi du bien-être de l’enfant que d’allonger le congé que l’on accorde au papa à sa naissance.
Par ailleurs, ce rapport préconise aussi un congé paternel de neuf semaines, cependant l’exécutif n’a annoncé qu’un congé de vingt-huit jours. Nous avons donc fait un pas ce mercredi 23 septembre, mais le chemin à parcourir est encore long.
Fonctionnement du congé paternité en France : ce qui va changer
Actuellement de onze jours, complétés par trois jours de congés de naissance, le congé paternité va être réévalué à la mi-2021 à vingt-cinq jours, qui, cumulés aux congés de naissance, portent le congé paternité à vingt-huit jours.
L’autre innovation de cette mesure consiste en l’instauration d’une partie obligatoire du congé paternité, d’une durée de sept jours. C’est peu en comparaison de leur partenaire, car les mamans ont pour le moment huit semaines obligatoires sur les seize semaines comprises dans leur congé.
Actuellement, sept pères sur dix prennent leur congé paternité. L’exécutif a pour objectif de voir s’élever ce nombre grâce à l’instauration d’une part obligatoire à ce congé. Cela entraînera, selon les prévisions annoncées, un doublement des dépenses allouées à ce domaine en 2021, voire un triplement en 2022.
Le congé paternité est financé par la sécurité sociale, seuls les trois jours de congé de naissance sont à la charge de l’employeur. On peut le prendre dans les quatre mois qui suivent l’arrivée de l’enfant dans le foyer. À noter toutefois que ce congé doit être pris en une seule fois. De plus, comme c’est déjà le cas, sept jours seront ajoutés en cas de grossesse multiple.
En bénéficie le conjoint de la maman, quel que soit son sexe, dès lors qu’il est salarié, et qu’il soit ou non le père de l’enfant. Ce congé est également valable dans le cadre d’une adoption.
Ainsi le congé paternité, inclusif et désormais rallongé, va se voir doublé et rendu obligatoire pour partie, dans le louable objectif d’encourager les pères à prendre ce temps qui leur est accordé pour faire connaissance avec leur bébé.
La question du congé paternité est encore relativement récente en France. Aussi, dans une société qui se soucie de façon croissante de l’épanouissement individuel et dans laquelle les questions sociales sont au cœur des préoccupations, il est normal qu’elle soit vouée à évoluer dans l’avenir. On ne peut en effet pas raisonnablement envisager que le congé paternité ne connaîtra qu’une seule réforme, qu’un seul maigre allongement.
La prochaine étape de l’évolution du congé paternité pourra alors sûrement se traduire par une continuité de la réforme qui interviendra en juillet 2021, probablement par différentes vagues d’allongements successifs de sa durée. La France se tournerait ainsi résolument vers une égalisation des congés maternité et paternité quasi-totale, voire pleinement effective.
Le législateur pourrait encore se tourner vers des solutions déjà existant à l’international, telles qu’un congé parental unique, à partager à leur grès entre les parents, ou encore un congé minimum égal entre les deux parents, puis un congé commun à se répartir à l’instar de la solution choisie par la Norvège.
Sur la scène internationale : la France à la traîne
Grâce à l’allongement du congé paternité à vingt-huit jours, la France va entrer dans le top 5 des pays les plus avancés dans ce domaine, mené par la Finlande, l’Espagne, le Portugal et la Norvège.
Toutefois, cela ne fera pas pour autant de la France un pays à la pointe en termes de congés parentaux et d’égalité des sexes. En effet, le congé alloué aux jeunes papas français semble bien maigre au regard de celui dont bénéficient leurs homologues étrangers.
Le rapport de la commission d’experts qui a éclairé la réforme de 2021 préconise un congé de neuf semaines afin de tisser des liens avec son enfant, comme c’est le cas en Finlande. Celui accordé par l’administration française n’est que de quatre semaines pour les pères, plus de deux fois inférieur aux recommandations scientifiques.
La France gagnerait certainement à s’inspirer de ses voisins nordiques tels la Norvège, la Suède, la Finlande ou encore le Danemark. Bien plus généreux en terme de temps de congés parentaux, ces pays proposent de plus une répartition bien plus égalitaire au sein du couple. .
Ainsi, avec l’allongement du congé paternité à vingt-huit jours, la France fait un réel pas en avant dans la lutte contre les inégalités hommes-femmes, mais un long chemin reste encore à parcourir afin d’atteindre une égalité pleinement effective.
Marie ROCHET