[Critique] « Maya », de Mia Hansen-Løve, ce dimanche à 14h au Manège

Maya, un voyage

L’auditorium du Cyel a été mercredi 17 Octobre le lieu de présentation d’un film qui n’a pas fini de faire parler de lui, comme à peu près tous les films de la réalisatrice Mia Hansen-Løve. Projeté une seconde fois ce dimanche à 14h au Manège, il n’est pas encore trop tard pour le voir et faire partie des rares privilégiés à avoir vu ce bijou du cinéma.

La réalisatrice Mia Hansen-Løve signe une nouvelle fois un long-métrage empli de messages forts. Dans un cadre qui pourrait paraître celui d’un drame romantique, on est étonnement surpris par le discours sur la reconstruction de soi qui prend le dessus sur cette histoire d’amour entre Gabriel (Roman Kolinka et Maya (Aarshi Banerjee).

Gabriel, reporter de guerre de 32 ans, a été traumatisé et brisé par sa récente captivité en Syrie. De retour à Paris, il tente de se reconstruire mais sans succès. C’est alors qu’il décide de rejoindre son pays de naissance l’Inde, où vit encore sa mère (Johanna ter Steege) et son parrain (Pathy Ayiar). Sur le chemin de sa lente guérison, il va rencontrer Maya, une jeune étudiante de 17 ans, qui va peu à peu prendre une place de plus en plus importante dans sa vie.

Cependant la réalisatrice ne souhaitait pas faire un film sur la psychanalyse des ex-otages car elle a l’impression qu’il y a déjà d’autres personnes qui se sont déjà attelées à cette dure tâche. Cela permet de ne jamais assister à des scènes dramatiques, mais plutôt à des plans des personnages à la recherche d’ailleurs et de nouvelles sensations.

Les acteurs sont une pièce maîtresse de ce réel chef-d’œuvre et d’après la réalisatrice elle-même, le film n’aurait jamais pu se faire sans eux. Le fait qu’elle a déjà tourné par deux fois avec Roman Kolinka (Eden, L’Avenir) a eu l’avantage de l’établir dans le rôle principal avant même la fin de l’écriture du long-métrage, puisqu’il avait déjà en lui la gravité, la dureté et la mélancolie nécessaire pour incarner le personnage de Gabriel, marqué par son récent passé. Pour ce qui est du personnage de Maya, l’histoire était plus complexe mais a cependant porté ses fruits. Pour ce rôle, la réalisatrice souhaitait quelqu’un qui impose une présence, quitte même à ce que ce soit quelqu’un qui ne soit, à la base, pas comédienne. Et finalement, jamais on aurait pu se douter que pour Aarshi Benerjee, Maya était son premier film tant elle est époustouflante. Son personnage est d’une simplicité même, pleine d’humour et de légèreté mais avec néanmoins une certaine mélancolie, dans son regard, et bien sûr une grande maturité.

Mia Hansen-Løve réalise toujours des films personnels, sans jamais être autobiographiques. Il y a obligatoirement des parallèles, mais le scénario n’est jamais écrit en fonction d’évènements réels de la vie de la réalisatrice. C’est d’ailleurs pourquoi on a parfois l’impression de retrouver des scènes d’un film à l’autre comme dans Maya où on repère des scènes de vie nocturne d’Eden. Toutefois, la réalisatrice se retrouve un peu dans le personnage de Gabriel quant au besoin de se confronter à un nouveau territoire en partant du connu, pour ensuite emmener vers cet inconnu qu’est la richesse de l’Inde.

L’Inde, d’ailleurs, ne pouvait pas être mieux choisie pour être le décor de cette histoire. Tout au long du film, on est comme envoûté par les paysages colorés et lumineux de ce pays. La réalisatrice restitue à la perfection la réalité de l’Inde, même si elle impose toujours involontairement son regard. Toutefois, elle montre une Inde relativement riche, disons que ce n’est pas celle de Slumdog Millionaire (2008) de Danny Boyle. Et pourtant, Mia Hansen-Løve a fourni des efforts rocambolesques (en utilisant parfois la ruse pour cacher l’équipe de tournage des passants) pour capter la réalité sociale. C’est d’ailleurs par l’usage du scooter qu’elle donne aux spectateurs la vision d’un pays magnifique au travers de plans à couper le souffle.

Un autre élément revient souvent dans les films de Mia Hansen-Løve : la musique. Maya l’utilise à la perfection avec des musiques locales et une seule en ajout qui est un véritable chef d’œuvre : Nick Cave & The Bad Seeds – Distance Sky. Mais la plupart du temps, la réalisatrice laisse parler le long-métrage par lui-même avec une prise de son en direct qui immisce délicatement le spectateur dans les plans merveilleux.

Nominé dans la catégorie Compétition internationale au Festival du Film de la Roche-sur-Yon et pour le Prix de la Critique InternationalePrésentations spéciales du Festival International du Film de Toronto 2018 (TIFF), il y a toutes les chances pour que ce nouveau long-métrage rafle tous les prix. Alors courez au Manège ce dimanche à 14h pour faire partie des rares qui auront vu ce chef-d’œuvre plein de grâce et de beauté (et en plus la réalisatrice sera présente).

Énora Tymen