[#Interview] avec Samuel Ribeyron, directeur artistique du film Le Secret des Mésanges
Samuel Ribeyron, directeur artistique des décors du film Le secret des mésanges, était convié à la 16ème édition du Festival International de La Roche-sur-Yon. Nous avons pu lui poser nos questions auxquelles il a répondu avec plaisir.
Samuel Ribeyron est reconnu dans le monde de l’illustration jeunesse. Diplômé de l’école Émile Cohl à Lyon, il a illustré et rédigé une vingtaine d’ouvrages pour les plus jeunes, notamment sous la forme d’albums jeunesse. Le monde du cinéma l’a également conquis petit à petit. Il va travailler en tant que chef décorateur et créateur graphique sur des courts-métrages jeunesse et des films d’animation (L’hiver de Léon, Le Printemps de Mélie, Neige, Beau Voyage,…). Nous avons pu réaliser une interview avec lui à la suite du visionnage du film Le Secret des Mésanges.
Résumé : Lucie, 9 ans, arrive à Bectoile pour les vacances, la campagne où sa mère a grandi et théâtre d’un secret de famille… Avec l’aide d’un couple de mésanges et de son nouvel ami Yann, Lucie est bien décidée à se plonger dans son histoire familiale. Des sous-sols d’un château en ruine à une vieille caravane oubliée à l’orée des bois, cette aventure les mènera de surprises insolites en fabuleuses découvertes ! (source : FIF85)
 
 
Durant votre parcours professionnel, vous avez travaillé sur de nombreuses œuvres et magazines en lien avec la jeunesse. Pourquoi et comment avez-vous fini par vous intéresser au cinéma jeunesse ?
Je ne m’y étais pas intéressé quand j’étais enfant, en tout cas, je lisais très peu de livres. Mes parents étaient instituteur et institutrice. En fait, je passais le plus clair de mon temps dehors à construire des cabanes et à construire des choses dehors dans la forêt plutôt qu’à lire. Au grand malheur de mes parents qui me voulaient avec un livre dans les mains et que j’apprenne à lire.
J’ai découvert cet univers lorsque j’étais en études dans l’école d’art de Lyon et je ne me destinais pas du tout à faire ça, je voulais être architecte. Donc j’ai commencé des études d’architecture, ça n’a pas bien marché. Je suis donc allé dans une école d’art qui m’a fait faire une remise à niveau et j’y ai découvert la littérature jeunesse et le dessin lié à l’enfance.
J’ai fait beaucoup de colos, j’étais d’ailleurs moniteur quand j’étais jeune adulte. Ce que mes parents m’ont transmis, c’est faire les choses pour les enfants. Et donc cela m’est venu naturellement.
Avez-vous contribué à l’écriture du scénario du film Le Secret des Mésanges ?
Non, je ne suis pas du tout intervenu dans l’écriture du scénario. Mon étape arrive après, même après le storyboard, qui est l’étape croquis du film. Une fois que le croquis est fait, je peux commencer les décors. Parfois, mon travail survient un peu en amont puisqu’on me demande d’effectuer des recherches graphiques. En fait, quand on monte un film, il faut assez rapidement faire des dossiers pour les financements. Ces dossiers nécessitent des images, donc moi j’arrive souvent à cette étape-là, quand il faut créer des images sur une histoire ou un début d’histoire.
Dans le film, des petites mésanges apparaissent comme des guides, pourquoi avoir choisi ces oiseaux, que symbolisent-elles pour vous ?
Je pense que ce serait plutôt une question pour l’auteur du film, je ne veux pas trop répondre à sa place. Mais chacun peut se faire sa propre interprétation de ces oiseaux. Ce sont des oiseaux qui guident les deux personnages : Yann et Lucie. À chaque fois qu’ils suivent les mésanges, elles les amènent vers quelque chose de spécial que ce soit pour guérir le blaireau ou pour découvrir le trésor. On a peut-être une piste comme quoi ça pourrait être le comte et la comtesse qui peuvent guider ces deux personnages pour que leur enfant adoptif puisse retrouver sa fille à son tour.
C’est également pour cela que l’on peut retrouver les mésanges sur le tombeau, sur la clé, etc.
C’est ça ! Ce sont en fait les mésanges qui connaissent le mieux cette tour, elles ont niché sur la tour donc elles habitent là, c’est aussi le lieu où elles ont précédemment habité (en tant que comte et comtesse). Mais tout ça n’est pas dit, c’est sous-jacent, comme dans les films en général il y a beaucoup de choses qui ne sont pas dites, qui sont dans une deuxième lecture. Après, c’est l’interprétation que chacun peut en faire.
Tout le long du film, nous remarquons la présence d’animaux des bois comme des chouettes, des hérissons ou bien des blaireaux. Est-ce que vous pensez que c’était une belle façon de faire découvrir la faune et la flore aux plus jeunes ?
Oui ! Même faire découvrir une salle de traite, des vaches et une ferme. En fait, on se rend compte qu’il y a très peu d’enfants qui ont déjà mis les pieds dans une ferme, c’est très rare. Notamment, parce que les fermes disparaissent ou alors elles sont vraiment très grandes. Une petite ferme à l’échelle du film, il y en a énormément, mais il y a très peu d’enfants qui ont ce contact-là avec les vaches et une salle de traite, c’est assez impressionnant ! C’est très bruyant, il y a des machines de partout, ça sent la bouse, c’est quand même un endroit assez loin de l’univers des jeunes aujourd’hui.
Mais l’idée, c’était de remettre ça au premier plan parce que l’agriculture en France est quelque chose de très importante, la campagne est très importante et on voulait avoir l’immersion dans cette campagne-là pendant 70 minutes.
Avez-vous eu l’occasion d’aller dans des fermes pour en avoir une idée précise ?
Antoine y est beaucoup allé avec Pierre-Luc, moi j’ai vu beaucoup de documentation sur des photos, des documentaires. Je me suis aussi énormément renseigné sur les couleurs qui sont très importantes pour le décor, les formes aussi. Les couleurs racontent aussi l’histoire du lieu, on traite aussi chaque lieu avec des gammes colorées différentes : la gamme colorée de la salle de traite n’est pas la même que celle du labo qui est lui est adjacent. Le labo va être plutôt aseptisé, avec un carrelage, plutôt bleu. Dans la salle de traite, on a mis du vert, de l’éclairage néon, il y a du marron et c’est beaucoup plus sombre.
Dans le film, la maman de Lucie est archéologue. Est-ce que c’était pour vous une manière de relier la recherche du trésor constante avec la recherche de la vérité sur sa famille ?
C’est une superbe interprétation, c’est exactement ça. En fait le film est fait pour qu’on suive deux fouilles : Lucie qui recherche ses origines familiales et qui creuse, trouve des indices, et sa maman qui va fouiller les châteaux.
Ce sont vraiment ces deux fouilles en parallèle qui se réunissent. Je trouve que l’intelligence du scénario d’Antoine et de Pierre-Luc, c’est d’arriver à mêler ces deux recherches pour faire une seule histoire. J’en suis assez admiratif.
Le film a également une certaine tonalité humoristique qui est adaptée à tous les âges, notamment avec la référence “Métro, Boulot, Dodo” pour le nom des vaches. Est-ce que ce côté humoristique vous tenait à cœur ?
Je pense que le film que vous avez vu, c’est vraiment Antoine (réalisateur). Il est comme ça, il arrive à glisser des notes d’humour et à rester sérieux. C’est quelqu’un de très tendre, qui écoute vraiment les gens. Quand on parle avec Antoine, il est avec nous, il nous écoute et il est concentré, il retient tout. Le film est vraiment à son image. L’humour aussi est à son image.
Vous avez aussi travaillé sur l’oie qui était très comique.
Oui, elle est très drôle l’oie. Les animaux, ce sont aussi des prétextes pour avoir des petites respirations, des éléments comiques. On se rend aussi compte que les animaux sont présents dans tout le film, il y en a même qui n’ont pas de rôle scénaristique : la petite blatte qui passe dans le souterrain, le hérisson qui regarde passer la mobylette. Ils sont présents, comme dans notre monde, même si on les voit de moins en moins parce que tout est bitumé. Mais les animaux sont très présents !
Anecdote : En Ardèche, on roulait de nuit et on a vu un lièvre et un sanglier, mes deux enfants étaient derrière moi. Ma fille me dit “j’ai l’impression de voir les animaux dans leur élément naturel”. Sauf qu’en réalité l’élément naturel, c’est la Terre. Mais malheureusement, on les voit moins, ils sont moins présents
Donc je pense que ce film, c’est remettre aussi les animaux au centre, presque à égalité avec les humains.
Si vous pouviez donner une couleur au Secret des Mésanges, quelle serait-elle ?
Euh… Je dirais le violet. Si j’avais eu deux couleurs, j’aurais dit le bleu et le jaune pour la couleur des mésanges. Le violet, c’est la couleur qui m’a aidé à lier toutes les autres. C’est aussi la couleur que j’ai mise dans les campagnes pour éviter qu’elles soient trop vertes. Le violet est venu contrebalancer ce vert dont je n’avais pas beaucoup de canson.
Pourquoi avoir choisi le papier découpé pour le film ?
Quand on fait des films, nous (Samuel, Antoine et Pierre-Luc) on travaille avec une équipe avec laquelle on a déjà fait beaucoup de films. On est une bande de copains, on fait des films ensemble et c’est super ! On a déjà testé cette technique sur un 26 minutes qui s’appelle Neige, il est passé sur France 3. C’est un format que j’avais déjà testé dans mes albums jeunesse donc c’est une technique, à la fois dans l’image qui bouge et à la fois dans l’image fixe, qu’on avait assez éprouvée. Jamais dans une longueur pour faire un long-métrage, mais on voulait s’y coller.
Avec Le Secret des mésanges, l’histoire était propice à utiliser cette technique. Pour moi, Lucie, elle recolle un peu les morceaux de son histoire familiale et en fait le papier, c’est un peu ça : on découpe des petits morceaux et on vient assembler et construire un décor. Pour moi, la technique et l’histoire font un tout, c’est-à-dire que ça colle, ça fonctionne, ça va ensemble.
Et quelque part, on raconte un peu la même chose en faisant les décors et en écrivant une histoire.
Combien de temps la réalisation de ce film vous a-t-elle pris ? Est ce que vous vous attendiez à ce que le film prenne autant de temps ?
Antoine a commencé à écrire cette histoire il y a dix ans. Après, il y a toute une partie sur les dossiers, trouver les financements, le montage, c’est assez long. Il y a aussi trois grosses années de fabrication entre les premières recherches graphiques, c’est-à-dire à quoi va ressembler le film : il faut vraiment trouver cette patte, c’était mon job de trouver les tonalités, à quoi va ressembler le film et de suivre cette cohérence graphique de bout en bout parce qu’on peut vite se perdre dans les étapes.
Quelle est la difficulté de faire apparaître des émotions sur des personnages en papier ?
C’est une question qui serait plutôt pour un animateur, je pense. Mais pour vous expliquer, un film d’animation, c’est tellement sectorisé, c’est un peu comme faire un reportage. Il y a tous les types de spécialistes (son, caméra, etc.). En animation, on a ceux qui fabriquent les pantins : les techniciens pantins. Et il y a ceux qui vont faire bouger le pantin, ça, ce sont les animateurs. Ce sont eux qui vont donner vie à un bout de papier, c’est magique. En fait, ce sont eux qui vont créer des émotions sur un visage alors que c’est que des ronds et des triangles. C’est assez dingue, c’est un truc magique, et même moi des fois, je ne comprends pas bien.
Souhaitez-vous partager vos impressions sur la réception du film ?
Le film sort le 22 octobre en salle, pour le moment, on ne fait que des avant-premières. Pour l’instant, j’ai l’impression qu’il touche beaucoup, qu’il émeut les gens. Je trouve que c’est un film qui, je l’espère, va faire du bien et que le spectateur va passer un bon moment, comme une grande balade à la campagne où l’on peut entendre les oiseaux et les vaches… On n’a pas l’odeur de la salle de traite, mais on pourrait le faire en 4D. Non, ça ne serait peut-être pas une bonne idée…(rires).
Merci encore à Samuel Ribeyron d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Le film “Le Secret des Mésanges” sera en salle à partir du 22 octobre !
Jeanne Boisteault et Alicia Chedhomme
Envoyées spéciales au Festival international du film de La Roche-sur-Yon
 
                       
                       
                       
                      