[#Nous avons vu] The New West
The New West, premier long métrage de la réalisatrice américaine Kate Beecroft, nous plonge dans les paysages extraordinaires du Dakota du Sud où les mythes du western se mêlent à la réalité contemporaine, pour tirer un portrait intime et un documentaire social. En 97 minutes, la réalisatrice redessine les contours du Far West, pour en faire le théâtre d’une renaissance intime, féminine et collective.
Ce long métrage nous entraîne à la suite de Tabatha, une dresseuse de chevaux solitaire, qui vit avec sa fille tout en accueillant des adolescentes en rupture, dans un ranch qui rencontre des difficultés. Au sein de cette relation familiale, les silences ont plus de poids que les mots. Les sentiments tels que l’amour, la douleur et la peur de perdre ce lieu deviennent le moteur d’une lutte quotidienne.
Dans ce film, il n’y a aucun duel caractéristique des westerns classiques, mais des gestes simples de la réalité : réparer une clôture, panser un cheval, partager un repas. Dans un quotidien compliqué et rude, Kate Beecroft filme la puissance des liens humains comme étant le dernier territoire à préserver.
La réalisatrice nous propose un nouvel Ouest, pas celui des cowboys comme nous en avons l’habitude, mais celui des mères, des filles et des survivantes. Les plans, majoritairement longs et silencieux, laissent la place au vent qui traverse les champs, à la lumière du matin et à la respiration. La caméra se fixe sur les gestes, la poussière, les visages, tous les éléments semblent vivre, respirer et parfois se taire pour laisser les silences parler.
Kate Beecroft, une nouvelle voix du cinéma américain
Née à Los Angeles, Kate Beecroft appartient à cette nouvelle génération de cinéastes qui valorise la justesse au spectaculaire, tout en l’incluant dans leur cinéma. Avant son premier long métrage The New West, elle a réalisé plusieurs courts métrages salués pour leur approche naturaliste et leur regard tendre sur les marges de la société. Son cinéma est distinguable par une attention profonde apportée aux visages oubliés. Elle met en valeur ceux qui vivent loin des projecteurs, dans la lenteur et la fragilité quotidienne.
Entre fiction et vérité
Kate Beecroft brouille volontairement les frontières entre la fiction et le réel. Le long métrage se nourrit d’instants capturés dans l’instant du réel : les chevaux qui s’échappent, les discussions du quotidien parfois autour d’un feu, les moments de doute et de tendresse entre les adolescentes.
En travaillant avec des acteurs non professionnels, la réalisatrice ancre son film dans une vérité, qui donne une authenticité rare au film. Cette frontière crée toute la beauté du film où rien ne semble forcé, où chaque émotion semble surgir de manière imprévue, comme une confidence volée qui finit par se libérer. Chaque geste, chaque regard, chaque hésitation est vécu de manière naturelle, jamais rejouée pour la caméra.
The New West ne cherche pas à nous expliquer le monde mais à nous le faire vivre grâce à une expérience sensorielle plus que narrative. C’est un temps suspendu où l’on apprend à observer, à écouter et à ressentir.
Des personnages à nu
Tabatha, incarnée par Tabatha Zimiga, s’impose comme une figure de résistance. Ce personnage porte sur ses épaules la fatigue du monde sans pour autant céder à la résignation. Sa fille, Porshia, est à la fois son ancrage et son miroir : jeune, pleine de doute, en colère, mais désireuse d’exister au-delà de son héritage familial. Entre elles, les mots manquent mais les gestes parlent et disent tout ce qu’elles ressentent, une main posée sur une épaule, un silence partagé ou un regard empli d’émotion et de mots.
Autour d’elles gravitent des adolescentes cherchant un refuge, un lieu où exister, où la vie a un sens. Ensemble, elles composent une communauté fragile, qui s’aide par la tendresse et la nécessité.
La caméra s’attarde sur le corps, sur les visages, sur leurs maladresses, leurs rires étouffés, leurs émotions refoulées. Avec une délicatesse juste, elle capte cette humanité imparfaite. Ce n’est pas la force héroïque que la caméra vise, mais plutôt la vulnérabilité, celle qui fait de chaque personnage un être profondément vivant.
Des thèmes universels
Sous ses airs paisibles, The New West aborde des questions profondément contemporaines : comment continuer à vivre après la perte d’un être cher, comment trouver sa place dans un monde en mutation, comment réinventer les liens entre les humains, la terre et l’animal. Les filles du ranch représentent une génération en quête de repère. Tandis que Tabatha incarne la possibilité d’un refuge et d’une reconstruction par la transmission.
Le film parle de soin, de résilience, de la nécessité d’apprendre à se relever ensemble après des drames personnels. C’est un western qui ne célèbre plus la conquête, mais la réconciliation.
The New West
Film de Kate Beecroft, 2025, 97 minutes
États-Unis VOSTF – Langue : anglais
Avec : Porshi Zimiga et Tabatha Zimiga
Diffusion : mercredi 15 octobre à 21 h 00 au Cyel et le jeudi 16 octobre à 11 h 30 au Concorde
Tom Aubier
Envoyé spécial au Festival international du Film de La Roche-sur-Yon.