[#Nous avons vu] Amour apocalypse
Amour apocalypse, le nouveau film de la réalisatrice québécoise Anne Émond, invite à vivre et à traverser un monde qui vacille, à travers les petits désastres du quotidien qui deviennent la métaphore d’une fin du monde intime et absurde.
En 100 minutes, le long métrage nous entraine dans la vie d’un jeune homme hypersensible propriétaire d’un chenil au sein de la ville de Québec. Atteint de solastalgie, la peur de la fin du monde, Adam tente de se raccrocher à de petites routines : s’occuper de ses chiens, réparer les objets cassés et écouter les alertes météo. Lorsqu’il contacte le service après-vente d’une lampe de luminothérapie, il tombe sur Tina, une jeune femme mystérieuse, qui vient bousculer son quotidien. Alors que tout semble s’effondrer, les deux personnages construisent un lien fragile, touchant et poétique.
La réalisatrice Anne Émond réussit un pari audacieux : transformer le chaos en comédie romantique. La caméra ne filme pas l’apocalypse au sens spectaculaire comme on pourrait l’entendre, mais elle montre l’instabilité du monde et notamment des émotions humaines. Les comètes, les pannes, les événements météorologiques ne sont que des actions qui permettent de traduire la fragilité de nos certitudes et du monde dans lequel nous vivons.
Patrick Hivon incarne Adam avec justesse. Il oscille entre maladresse et vulnérabilité, ce qui permet de créer un sentiment d’empathie immédiat avec le personnage. Le personnage de Tina, interprété par l’actrice Piper Perabo, est à la fois rationnel, mystérieux et parfois distant, mais sa voix devient un véritable repère, voir un refuge pour Adam. Ensemble, ils créent une histoire d’amour douce, fragile, faite de silences et d’émotion sincère ainsi que de maladresses et de beauté.
Anne Émond a fait le choix d’une caméra discrète avec de nombreux plans fixes et une attention très précise aux détails subtils qui apportent de l’authenticité dans ce monde proche de la fin. Le corps est également filmé de manière détaillée avec de nombreux plans permettant de capter les respirations, les regards perdus et les moments suspendus. Alternant entre plans fixes, instants suspendus, plans soudains ou ellipses, chaque scène permet de renforcer l’instabilité du monde et l’intensité émotionnelle ressentie par les personnages. Chaque plan, chaque respiration devient un vecteur de sens, comme si le monde pouvait basculer d’un instant à l’autre.
Une sensibilité écologique et existentielle
Sous son ton humoristique et son apparence légère, Amour apocalypse aborde des termes actuels et universels. L’angoisse écologique, le besoin de connexion humaine, la peur de disparaître sont les sujets centraux de ce long métrage et soulignent une réalité qui nous rattrape plus vite que nous le pensons.
Pour autant le film ne délivre pas de message militant, mais capte avec finesse comment le monde qui change affecte nos relations et nos émotions plus que nous pouvons le penser. Les registres utilisés servent d’équilibre dans un monde où les catastrophes sont à la fois tragiques et comiques. Durant ce long métrage, le spectateur ne cesse de passer du rire à l’émotion, comme si l’amour entre les personnages était la dernière chose encore capable de donner du sens à ce chaos. L’humour et l’absurde sont utilisés en faveur des messages que la réalisatrice veut faire passer au spectateur à travers tous ses personnages.
Anne Émond, une voix du cinéma québécois
Née en 1982, Anne Émond est reconnue pour son cinéma à la fois sensible et intime. Elle est révélée en 2011 avec Nuit #1, elle poursuit son approfondissement des émotions humaines avec Les Êtres chers, Nelly ou encore Jeune Juliette. Elle crée une cohérence dans toutes ses œuvres dans lesquelles elle explore la psyché humaine, les émotions complexes, les relations familiales ou encore amoureuses. Pour cela elle filme les silences, les hésitations, les contradictions des personnages avec une profondeur empathique.
Avec son dernier long métrage Amour apocalypse, elle élargit son regard et son analyse en transformant le chaos intérieur qui devient le miroir du chaos collectif. Elle y mêle crise écologique et crise du cœur, rappelant que l’amour n’est pas un refuge pour fuir le monde, mais une manière de traverser les périodes difficiles. Son cinéma, à la fois intime et poétique, a permis de donner la voix à la fragilité humaine dans un contexte universel.
Amour apocalypse
Film d’Anne Émond, 2025, 100 minutes
Canada VOSTF – Langue : québécois, anglais
Avec : Patrick Hiver, Piper Perabo
Diffusion : mardi 14 octobre à 16 h 30 au Concorde et le vendredi 17 octobre à 14 h 00 au Cyel
Tom Aubier
Envoyé spécial au Festival international du Film de La Roche-sur-Yon.