Marie Darrieussecq : «  Ce n’est pas mon écriture qui est violente, c’est la société »

Entre féminisme, engagement et vérités, découvrez Marie Darrieussecq : une voix singulière dans la littérature contemporaine.

Et si l’on vous disait qu’un best-seller mondial pouvait naître d’une histoire de femme qui se transforme… en truie ? C’est le pari brillamment réussi de Marie Darrieussecq, auteure française originaire du Pays Basque, qui fait irruption sur la scène littéraire en 1996 avec Truismes, son premier roman, aujourd’hui traduit dans une quarantaine de langues. Depuis, elle n’a pas cessé de surprendre, d’intriguer et parfois de déranger, en mettant au centre de son œuvre les thèmes qui traversent nos vies : le corps, la sexualité, les inégalités, les fantômes du passé, la maternité ou encore l’insomnie. Lauréate du prix Médicis, traductrice de Virginia Woolf, psychanalyste à ses heures, mère de trois enfants, elle est avant tout une femme de convictions. Ses héroïnes – naïves parfois, lucides souvent – évoluent dans un monde aux injustices similaires aux nôtres. Une littérature où chacun·e peut se retrouver, ou bien, à défaut, être amené·e à réfléchir.

Portrait photo de Marie Darrieussecq© Charles Freger / P.O.L
© Charles Freger / P.O.L

Truismes

Le premier livre de Marie Darrieussecq s’intitule Truismes. Avec ce premier roman, paru en 1996, l’auteure se place rapidement au sein des nouveaux auteurs incontournables à seulement 27 ans. Truismes est un roman né d’une injustice et d’un agacement face à un phénomène de société, le harcèlement de rue. Marie Darrieussecq écrit énormément en marchant, c’est-à-dire qu’elle a besoin d’être plongée dans ses pensées. Sauf que bien trop souvent des hommes «  s’autorisent à venir interrompre le cours de ses pensées » ce qu’il l’énerve profondément ; mais à l’époque le harcèlement de rue n’était pas reconnu. Ce livre, puis une grande partie de ses autres livres qui vont suivre sont féministes et surtout ils ont un ton assez virulent car comme le dit Marie Darrieussecq, ce n’est pas vraiment son écriture qui est violente, c’est le monde et la société qui sont violents envers les femmes ; elle ne fait que décrire ou romancer des expériences qu’elle a pu observer ou subir.

Fabriquer des femmes

Dans plusieurs de ses romans, Marie Darrieussecq transcrit des expériences de femme, comme Annie Ernaux et Simone de Beauvoir avant elle. En écrivant Clèves, elle débute ce qui  sera le début d’une série qui n’en est pas vraiment une, où l’on suit les personnages de Rose et Solange, mais aussi de Christian et Arnaud par exemple. Pour Rose et Solange, l’auteure se nourrit de ses propres expériences, de sa propre personnalité et des différentes facettes de celle-ci pour offrir à ces lecteurs et lectrices deux femmes qui ont deux visions différentes de ce qu’est être une femme, et de grandir dans les années 1980. Cette expérience féminine est aussi intrinsèquement liée aux hommes, ce que les hommes se permettent de faire et qui laisse des traces sur les femmes en grandissant, qu’elles n’en soient pas réellement conscientes comme Rose, ou plus conscientes et tentent de trouver des stratégies pour s’en défaire comme Solange. La question de l’hétérosexualité, du couple homme/femme et du déséquilibre entre les hommes et les femmes dans une relation. Cependant, on peut également y voir un questionnement avec le personnage d’Arnaud ou encore de Christian, pour déterminer ce qui fait d’un homme, un homme bien. L’univers de Rose et Solange est suffisamment étendu pour que l’auteure n’ait plus besoin de créer de nouveau personnage mais puisse continuer à aborder des sujets de société comme le féminisme à travers eux.

Insomnie

Nuit silencieuse, voix vicieuses. Sujette aux insomnies récurrentes, Marie Darrieussecq porte un regard personnel sur la violence de cette incapacité à dormir. Ses phrases avancent comme des battements irréguliers, entre veille et vertige. Elle dit l’obsession du temps qui ne passe pas, l’angoisse du corps qui résiste au repos, et l’intimité d’un combat solitaire contre les addictions persistantes. Mais dans cette traversée nocturne, elle n’est pas la seule : ses veilles sont hantées par d’autres insomniaques, écrivains et penseurs qu’elle convoque comme les compagnons de son malheur. De Kafka à Dostoïevski, de Proust à Woolf, elle tisse une toile de références qui, loin de n’être que des citations, deviennent des relais : elles inscrivent son insomnie dans une histoire littéraire et universelle, où la nuit se fait territoire de création autant que d’épuisement.

Biographie

Dans les écrits de Marie Darrieussecq, le lecteur peut retrouver une part de l’auteure à travers ses personnages. Que ce soit Solange ou Rose, les jeunes filles qu’elle a créées sont pour elle une manière de se confier mais également de mélanger des événements qu’elle a réellement vécu avec du fictif. De nombreux sujets sociaux qu’elle a pu expérimenter en tant que femme engagée et féministe, qui vont d’ailleurs se retrouver au cœur  de ses ouvrages. Son quotidien, ses observations et même ses rencontres l’inspirent et rendent son texte plus fluide pour chaque lecteur. Ce sont, en quelque sorte, ses témoignages qu’elle écrit au travers de ses personnages. Ceux-ci lui servent à aller bien au-delà de la littérature et du livre que l’on tient entre nos mains. Marie Darrieussecq écrit pour dénoncer, alerter, choquer et surtout faire réfléchir.

Mais l’auteure s’est aussi intéressée à la vie d’une jeune femme allemande et en a rédigé la bibliographie qui a été publiée en 2016. Il s’agit d’un livre basé sur les journaux et les lettres de Paula M. Becker, intitulé Être ici est une splendeur. Vie de Paula M.Becker. Cette artiste, décédée prématurément, est une femme tout à fait avant-gardiste, féministe et l’une des premières artistes du XIXe siècle  à représenter le mouvement expressionniste dans son pays. Ses nombreuses lettres et écrits sur ses voyages, ses amours, sa famille et ses oeuvres d’art nous font entrer au plus proche de son quotidien de femme peintre. L’auteure, à travers cette biographie, se demande aussi si l’amitié homme-femme existe car Paula M.Becker était proche du poète Rainer Maria Rilke. Marie Darrieussecq met à l’honneur cette artiste en faisant de sa vie une œuvre d’art. Avec ses mots précis et emplis d’émotions, elle lui rend hommage en peignant sa vie.

Jeanne Boisteault, Alicia Chedhomme, Sophie Delaunay, Élise Derrien et Maïa Jeantaud
Étudiantes en BUT 2 Information et Communication, parcours métiers du livre

Les livres de Marie Darrieussecq sont publiés aux éditions P.O.L.

Rencontrez Marie Darrieussecq 
lors d’une soirée littéraire Maison Gueffier/Pôle littérature du Grand R
Vendredi 10 octobre 2025, 19 h au Théâtre
Place du Théâtre, La Roche-sur-Yon
Informations et réservation en ligne