ZOOM #2 sur les Utérus Artificiels : Les premiers pas de l’utérus artificiel

       Depuis plus de 50 ans, le concept d’un développement fœtal extra-utérin est le sujet d’investigations qui se concrétisent pas à pas.
La première application concrète de ce concept s’est produite il y a 40 ans, en 1978, avec la naissance du premier bébé éprouvette. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un bébé a été conçu en dehors du corps de sa mère, avant d’y être réimplanté. À l’époque, cette naissance réalisée par fécondation in vitro (FIV) a suscité une polémique, car séparer la procréation de la sexualité était inconcevable. De nos jours, cette procédure s’est banalisée. On peut d’ailleurs se demander s’il en sera de même pour l’utérus artificiel, cette méthode finira-t-elle par se banaliser, elle aussi ?
En 1997, soit 20 ans plus tard, une équipe de chercheurs de l’université de Tokyo a expérimenté sur des fœtus de chèvres un système extra-utérin, fait d’un bac en plastique rempli d’un fluide ressemblant au liquide amniotique et d’une pompe reliée au cordon ombilical de l’animal. Certains chevreaux ont survécu dans ce réservoir jusqu’à terme, pendant trois semaines, mais ils présentaient des malformations, notamment pulmonaires, et, pour beaucoup, également une infection microbienne. Tous sont morts peu après leur naissance. La réussite était donc partielle et trop peu convaincante pour l’appliquer à l’humain.
Depuis, aucune tentative n’avait semblé fructueuse, jusqu’à ce qu’une équipe de chercheurs dirigée par Alan Flake de l’hôpital pour enfants de Philadelphie (États-Unis), en 2016, parvienne à concevoir un appareil reproduisant l’environnement d’un utérus et les fonctions assurées par le placenta. Grâce à ce dispositif, ils ont réussi à faire se développer pendant 4 semaines, 8 fœtus d’agneaux, âgés d’environ 100 à 115 jours de gestation (chez les moutons le terme est à 145 jours de gestation), ce qui correspond physiologiquement à environ 22 à 24 semaines de grossesse chez l’humain. Ils ont pu les mener à terme sans séquelles physiques apparentes et sans organes défaillants. C’est à ce jour l’étude la plus sérieuse et convaincante.
Il est par ailleurs intéressant de noter que, peu à peu, bien que le temps de gestation normal reste de 9 mois, le temps obligatoirement intra-utérin se réduit considérablement. En effet, grâce à la FIV, les 6 premiers jours de la vie peuvent se passer hors de l’organisme maternel. De plus, un fœtus est viable dans une couveuse dès 22 semaines de grossesse. Par conséquent, le temps passé obligatoirement dans le ventre de la mère n’est plus que de 106 jours sur 266, à partir de la fécondation pour une grossesse normale menée à terme. L’utérus artificiel va consister à combler cet écart, ou du moins permettre aux grands et très grands prématurés de terminer leur développement dans des conditions plus favorables que celles qui sont actuellement à leur disposition dans les services de néonatalogie.

Marie ROCHET