[Critique théâtre] L’enfant océan, de Frédéric Sonntag (au Grand R, fin janvier)
Frédéric Sonntag a proposé les 21 et 22 janvier derniers au Grand R, l’Enfant Océan, une riche adaptation de Jean-Claude Mourlevat, inspiré du Petit Poucet. Un récit poétique et précieux.
Nous sommes plongés au cœur d’une campagne profonde où vivent sept enfants, sept garçons, dont trois paires de jumeaux et un petit dernier d’une taille minuscule. Une nuit, alors qu’une tempête éclate, le petit garçon surprend une conversation entre ses parents : son père souhaite les tuer tous les sept le lendemain matin. Sans un bruit, il prévient ses frères et les entraîne dans une fuite vers la liberté, liberté promise par l’océan.
« Yann arrivait seul en dernier, comme un point final au milieu d’une phrase »
Yann, le plus jeune des sept frères, est représenté par une marionnette de toute petite taille. Il se trouve au cœur du récit, il ne parle pas, il ne prononce aucun son et entraîne pourtant ses six frères dans la fuite. Cette marionnette vit. Yann guide ses frères dans la fuite. Au cours de cette fuite, ils rencontreront la peur, le doute, l’angoisse, la faim mais aussi de belles personnes. Ainsi, témoignages et rencontres se mêlent au récit de la fuite des sept enfants. La mise en scène explore alors les différents lieux traversés par les enfants. Nous fuyons nous aussi en tant que spectateur.
C’est le récit d’une relation de confiance et d’amour entre sept frères. C’est une complicité visible en particulier dans la relation qu’entretient Yann et le plus âgé de ses frères. Quand le silence s’installe, quand nous sommes confrontés au silence, d’autres moyens de communication apparaissent. Des signes se développent et se construisent peu à peu. L’Enfant Océan nous invite donc à nous interroger sur le regard que nous pouvons porter sur autrui, sur la différence. Sur scène notre regard est partagé entre les cinq comédiens qui interprètent les différents personnages aux multiples facettes et le traducteur en langue des signes, signes qui m’ont envoûtés.
Nous changeons tout au long de ce spectacle de point de vue, alternant entre visée sociale, univers poétique et envoûtant de la fuite vers l’océan… Interrogeant alors le pouvoir de l’imaginaire, « ce sont (les enfants) qui génèrent l’imaginaire de leur fugue. Qui l’élaborent sur scène. C’est l’énergie ludique des acteurs à fabriquer ce voyage et la sollicitation de l’imaginaire des spectateurs à l’inventer avec eux qui nous lancent sur des routes de campagne à la suite de cette fratrie, vers un ailleurs possible, vers l’Océan. » – Frédéric Sonntag
Jeanne Dugas