L’agriculture, à la fois cause, victime, et solution du réchauffement climatique
Le 13 décembre, s’est tenue la réunion du Forum et du Consortium de l’initiative « 4 pour 1000, les sols pour la sécurité alimentaire et le climat », à l’occasion de la COP 24. Cette réunion fut l’occasion de réunir les partenaires de l’initiative afin de faire le point sur les avancées des objectifs fixés lors des accords de Paris en 2015 et d’envisager ensemble les perspectives pour l’année 2019 et au-delà.
Depuis 1945, le paysan traditionnel et sa petite exploitation familiale sont devenus une espèce en forte voie d’extinction pour laisser place à l’hyper dominance de l’exploitant agricole et sa ferme industrielle de plus en plus mécanisée et automatisée, dont les seuls mots d’ordre sont rendements et prix bas. L’agriculture n’a pas échappé à cette politique de croissance et d’intensification. Voilà maintenant plus de 50 ans que ce modèle existe et il est encore présent dans le monde entier pour subvenir aux besoins d’une population toujours plus nombreuse.
Mais aujourd’hui nous entrons dans une période charnière, les limites de ce système commencent à être sérieusement remises en question. En effet, le secteur agricole est responsable de 25% des émissions de gaz à effet de serre de la planète: méthane (élevage intensif), CO2 (mécanisation, déforestation: création de nouvelles parcelles) et protoxyde d’azote (engrais chimique). Viennent s’ajouter à cela, le suremploi des produits phytosanitaires, la pollution qu’ils engendrent et l’épuisement des sols. Ceci oblige donc les exploitants à épandre toujours plus de produits chimiques pour lutter contre de nouveaux ravageurs et la résistance à certaines maladies causées par des décennies de traitements. Nous sommes aux portes d’un cercle vicieux où la production entraîne sa propre mise en danger ; malgré l’ anthropisation des cultures, elles restent ultra dépendantes du climat, des ressources du sol et de la biosphère elle-même dépendante du climat. Ce modèle est tout simplement source de dérèglement pour tout le système naturel planétaire.
«L’heure est au retour de bâton. Les rendements des grandes cultures ,blé, maïs, colza, tournesol… pourraient perdre en moyenne 2% par décennie faute d’adaptation, alors que la production devra augmenter de 14% tous les dix ans pour répondre à la demande mondiale, avertissait le GIEC en 2014. Dans le cas d’un «réchauffement à +4°C, c’est toute la sécurité alimentaire mondiale qui serait mise en péril», pointe l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).»
Pourtant, l’agriculture pourrait devenir au moins aussi utile qu’elle est polluante, permettrait de limiter et stopper le réchauffement climatique. Pour cela, il faut littéralement changer les modes de production en rendant d’une part, sa place à la biosphère dans les mécanismes productifs et naturels. Ceci passe donc par l’arrêt, voire la suppression de l’expansion des surfaces agricoles et plus généralement du modèle économique, à l’heure actuelle dirigé non pas par les états mais par les grandes entreprises et les lobbies qui profitent de ce modèle pour s’enrichir encore et encore. D’autre part, il faut transformer l’agriculture en une véritable éponge à CO2 : d’après le dernier rapport du GIEC, les sols agricoles ont la capacité de stocker de très grandes quantités de gaz carbonique grâce à des techniques de conservation des sols (rotation des cultures, suppression du labour, couverts végétaux, agroforesterie). Pour améliorer ce captage, l’optimisation des cultures (cultures associées, surfaces urbaines non utilisées) est nécessaire et des alternatives comme l’agroécologie sont des modèles durables et tout aussi productifs, qui stockent plus de carbone qu’ils n’en émettent. Pour faire bouger les choses, la coordination internationale est essentielle, chaque pays membre de cette COP doit donc adapter sa production au climat et à la biodiversité environnante, propre à chaque territoire.
Corentin Maurial