[Portrait] Mia Hansen-Løve, réalisatrice à surveiller
Cette semaine la Roche-sur-Yon est le théâtre —que dis-je !— le cinéma d’un évènement hors-norme faisant venir des acteurs hors-pairs. Mais celle dont je vais vous parler n’a été actrice que le temps d’un battement de cils : aujourd’hui elle est réalisatrice et honnêtement, elle excelle dans cette tâche. Présente de mercredi à dimanche, Mia Hansen-Løve est un incontournable du festival.
Il serait aisé de faire des jeux de mots sur son nom, et peu de personnes ont dû l’épargner, mais lorsque l’on rencontre un personnage de cette envergure, et d’autant plus quand on l’entend parler cinéma, on ne peut qu’identifier son amour pour le septième art. Abordant le thème de l’amour dans beaucoup de œuvres, il n’est jamais mis au niveau de la comédie romantique ou le drame romantique bateau. Au delà, chacun de ses films porte un message plus profond, parfois presque philosophique, souvent lié au temps et aux changements.
Il ne faut pas remonter loin pour savoir d’où cela vient puisque ses deux parents étaient des professeurs de philosophie. Autant dire qu’elle a été à bonne école. Sa vision de ce domaine est d’ailleurs qu’il n’est pas la sagesse incarnée, mais la quête de la sagesse, la quête de soi. Et si on applique ce concept à la réalisatrice, on remarque dans son parcours ce même tâtonnement. Actrice, avant même d’avoir fini le lycée, dans Fin Août, Début Septembre (1998) d’Olivier Assayas, elle va ensuite se lancer dans des études de jeu au Conservatoire d’art dramatique de Paris pour finalement tout plaquer. Elle ne va cependant pas trop s’éloigner du milieu du cinéma qui est finalement dans son cœur, puisqu’elle va devenir critique, avant de devenir réalisatrice avec le court-métrage Après Mûre Réflexion (2003).
Quinze ans plus tard, elle signe aujourd’hui des longs-métrages qui marquent les esprits et qui raflent tous les prix. On ne l’arrête plus puisqu’elle présente son dernier long métrage Maya (2018) mercredi soir au Manège (20h45) en parallèle du tournage de son prochain film, Bergman Island (2019), qui promettent d’être tout deux de véritables chefs-d’œuvres. Se donnant corps et âme dans ce qu’elle construit Mia Hansen-Løve traite de problématiques actuelles telle que la guerre en Syrie tout en nouant avec des questions philosophiques et des interprétations personnelles : Maya n’est pas qu’une histoire d’amour entre un reporter de guerre et Maya, une jeune indienne récemment rencontrée, c’est surtout le dévoilement des étapes de la reconstruction de soi après avoir vécu l’enfer avec l’aide de proches mais aussi de nouvelles rencontres.
La famille, d’ailleurs parlons-en ! Celle-ci est plus que essentielle pour cette réalisatrice hors-pair : Maya (2018) prend sa source dans le passé de son grand-père (ancien reporter de guerre), L’Avenir (2016) est inspiré du divorce de ses parents, Eden (2015) a été réalisé en travaillant main dans la main avec son frère DJ, Sven Løve… Sa passion pour le septième art n’est donc pas quelque chose qu’elle vit seule surtout quand l’on sait qu’après avoir été actrice dans deux films d’Olivier Assayas, elle finit par l’épouser et construire un foyer avec lui.
Sa famille n’est pas la seule chose qu’elle construit parce que ses films ne sont pas seulement des longs-métrages mais une réelle construction issue d’un travail sans-pareil. C’est aussi à travers ses œuvres que la réalisatrice se construit elle-même en exposant ses interrogations autour de l’amour, du temps et du changement. Fruit de ces réflexions pleines de sens, ses films mêlent un discours adressé à tout le monde mais aussi des techniques cinématographiques comme les jeux de lumières donnant des plans à couper le souffle. Un amour de jeunesse (2011),
et Eden (2014) en sont la représentation même.
La réalisatrice a même avoué dans une interview sur France Culture (France Culture, Une Vie d’Artiste, 12/06/17) qu’il lui était presque douloureux de ne pas mettre dans ses films une lumière d’été. Prouvant ainsi que réaliser des films n’est pas seulement une histoire d’argent (s’il y a même ce paramètre qui entre en jeu) mais une histoire d’amour.
C’est probablement grâce à son investissement et ses talents que Mia Hansen-Løve ne cesse d’être nommée et primée dans les plus grands festivals du cinéma. Festival de Cannes, les César, Sundance Film Festival, Berlinale, ils se l’arrachent tous. C’est aussi le cas pour les acteurs qui se précipitent tous pour jouer dans ses films mais tout le monde n’a pas le prestige d’Isabelle Hupert qui a interprété le personnage principal dans L’Avenir (2016). A 37 ans, la réalisatrice a déjà sept films à son actif et cinq récompenses, tout laisse à présager que Maya sélectionné pour la compétition Internationale va rafler le prix.
Mia Hansen-Løve est donc indubitablement un personnage de talent à suivre de très près dans les mois et années à venir, parce qu’avec presqu’un film par an, elle promet de nous éblouir encore pendant longtemps.
Enora Tymen
Séances :
“Maya” Dimanche 21 à 14h au Manège