Conférence le 10 octobre : « La faim dans le monde aujourd’hui. Comment, enfin, l’éradiquer ? »
Une conférence de Bruno Parmentier ingénieur, économiste, auteur, conférencier et consultant.
Sorti diplômé de l’École des mines de Paris, Bruno Parmentier se spécialise très rapidement dans l’économie du développement. Il travaille ainsi quatre ans au Mexique dans le cadre de projets liés au développement agraire et urbain. De retour en France, il travaille principalement pour le secteur de la presse et de l’édition en dirigeant et redressant financièrement, successivement les Éditions du Cerf puis celles de la Découverte. En 2002, il devient directeur général de l’école supérieure d’agriculture d’Angers. C’est à cette occasion qu’il se spécialise dans les questions liées à l’agriculture, à l’alimentation et au développement durable.
Spécialiste des questions liées à la nutrition, à l’alimentation et au développement durable, les conférences de Bruno Parmentier ont le mérite de soulever de nombreuses questions et de tenter d’apporter des réponses innovantes et respectueuses de l’environnement. Il intervient aussi beaucoup dans le cadre d’émissions de radio et de télévision où son expertise est recherchée et appréciée.
Il est l’auteur de la trilogie :
– sur l’agriculture : Nourrir l’humanité, les grands problèmes de l’agriculture mondiale (Éditions La Découverte 2007, édition de poche en 2009),
– sur l’alimentation : Manger tous et bien (Éditions du Seuil 2011)
– sur la faim : Faim zéro, en finir avec la faim dans le monde (Éditions La Découverte 2014).
Savoir versus famine
Lutter contre la faim dans le monde n’est pas simplement une question de dons de denrées alimentaires des pays riches vers les pays pauvres. Selon certains scientifiques, il s’agirait même d’une pratique contre-productive. La seule véritable solution serait l’exportation de la connaissance.
Pour lutter contre la faim dans le monde, il y a la solution des dons, des convois humanitaires amenant de quoi substituer aux pays en manque de nourriture. Seulement, cela n’est pas une solution efficace à une échelle nationale. Selon le professeur d’économie Rafael Pampillon de l’IE Business school de Madrid, les pays recevant de l’aide alimentaire n’ont pas les infrastructures nécessaires pour stocker les denrées alimentaires. De plus, il affirme que l’arrivée des dons de nourriture sur les marchés locaux déstabilise l‘économie locale. La population préfère aller chercher la nourriture distribuée gratuitement plutôt que de l’acheter aux producteurs locaux. Cela a donc pour conséquence d’augmenter la pauvreté parmi la population.
Selon Pampillon, la solution serait d’envoyer une expertise agricole plutôt que de la nourriture. En effet, cette expertise permettra aux pays en difficulté d’acquérir des connaissances pour « produire des semis, des fertilisants, des pesticides, des outils, des tracteurs et des moyens de transport qui leur permettront de produire le type de nourriture adapté aux besoins et aux caractéristiques géographiques de leur région ». Ainsi, par exemple, le système d’intensification de la production du riz mis en place à Madagascar a permis de doubler la production. Ce système pourrait tout à fait s’exporter en Afrique à condition que cette pratique soit connue.
Le gaspillage alimentaire en France
Dans le monde, le tiers des aliments destinés à la consommation humaine est gaspillé. En France, ce gaspillage est estimé à 10 millions de tonnes par an, soit 10 milliards de kilos.
Le gaspillage alimentaire en France est très important. Il représente, en termes économiques, entre 12 et 20 milliards d’euros par an. Ce gouffre financier est dû à un gaspillage à tous les niveaux de la chaîne de production de la nourriture, que ce soit du producteur, transformateur, distributeur, restaurateur, transporteur jusqu’au consommateur.
Ce dernier, malgré une vigilance accrue, a tout de même tendance à jeter. Cela est dû à une accumulation de petites pertes quotidiennes : un fond de yaourt jeté à la fin du repas, la pomme oubliée dans la corbeille et des accidents ponctuels qui concernent de plus gros volumes. Ces pertes quotidiennes sont le résultat d’une mauvaise interprétation des dates de consommation, d’un manque de rigueur dans la gestion du réfrigérateur, des stocks, ou encore d’un plat cuisiné dans de trop grosses quantités. Si l’on regarde ce qui est jeté, il apparaît que ce sont les légumes (31 %), les liquides (24 %) et les fruits (19 %) qui sont le plus gaspillés. Mises bout à bout, toutes ces pertes finissent par chiffrer : entre 20 et 30 kilos par an par personne.
Dans un contexte de décroissance de la production alimentaire, peut-on encore se permettre de gâcher de la nourriture ?
Paradoxe de la production alimentaire
Actuellement, il y aurait 800 millions de personnes sous-alimentées dans le monde selon l’Observatoire des inégalités. Cela équivaut à environ 1 personne sur 10. Mais si l’on regarde les chiffres de la production de nourriture dans le monde, l’entièreté de l’humanité pourrait être nourrie.
Lorsque l’on regarde une carte du monde sous l’angle de l’Indice de la Faim dans le Monde (IFM), on constate que c’est sur le continent africain que le manque de nourriture est le plus important.
Fort de ce constat, on peut déduire qu’il n’y a tout simplement pas assez de nourriture produite pour tout le monde sur le globe et qu’il semble logique que ce soient les populations des pays les plus pauvres qui pâtissent de ce manque de nourriture. Sous-développées, elles ne peuvent subvenir à leurs besoins.
Eh bien oui et non. Ou plutôt non et oui. En effet, les pays les plus touchés par la faim sont globalement situés sur le continent africain. Minés par des guerres civiles, comme la Somalie, le Nigeria, le Soudan du Sud ou le Yémen, ces pays se retrouvent dans des situations où les institutions sont instables, les infrastructures détruites, une population de plus en plus pauvre, une immigration massive, etc. Ces pays ont de grandes difficultés pour se développer et donc de permettre la suffisance alimentaire qui leur fait défaut.
Mais d’un autre côté, Marc Dufumier, ingénieur agronome, affirme qu’il y a assez de nourriture produite dans le monde entier. Cet ingénieur avance que pour nourrir l’humanité, il faudrait produire 200 kilos de céréales par habitant et par an. Il se trouve qu’au moment de ses propos en 2014, il y avait l’équivalent de 320 à 330 kilos produit par an par habitant.
Si le problème ne vient pas de la quantité de nourriture produite, alors il semblerait que la faim dans le monde soit plus une question politique que technique.