[#Cadavre exquis] Vendredi.
Un jour au festival. Des films. Une histoire.
Chaque matin, sur le principe du cadavre exquis, découvrez en une histoire courte, la programmation des films de la journée.
Un matin, Comme le feu, le ciel s’ouvrit sur une brume rougeoyante. Dans cette lumière tremblante, on vit descendre un homme que l’on appelait The mastermind — c’est ainsi qu’il se présentait, avec cet accent cassé qui sentait la poussière des aéroports. Il disait chercher Olivia, “a lost friend”, ajoutait-il, comme si la langue française ne suffisait plus à nommer la perte.
Elle, Olivia, arrivait d’un pays où, selon la rumeur, nul ne savait Where the wind comes from — ces mots figuraient sur le panneau rouillé à l’entrée du village, gravés en anglais par un voyageur oublié.
Elle apportait dans ses bras un paquet : Lettres à mon ami yohei yamakado depuis son pays natal. On aurait dit que ces lettres respiraient. Dans l’encre séchée, on devinait L’Œil noir du souvenir et la promesse d’un retour.
Sous la colline dormait Arca, une cité secrète où tout semblait Flowering and Fading — c’était le nom d’un vieux film projeté chaque dimanche dans le café du port. Là-bas, Rosetta dansait seule, en robe rouge, au son d’un disque rare intitulé Pin de partie.
Un soir, les tambours de Khartoum résonnèrent dans la vallée, mêlés aux voix d’un groupe de passage : ils s’appelaient Four’s a Crowd, et chantaient un refrain de fin du monde. Own parla d’amour et de fin, car ici tout s’achevait en Amour Apocalypse.
Sur le lac, un Blue Heron — ainsi l’avait nommé Olivia, en anglais toujours — glissait au-dessus de l’eau comme un signe d’apaisement.
“Les Enfants vont bien”, souffla-t-elle. Les enfants vont bien, oui, mais leurs visages restaient flous, déformés par ces Shifting Baselines dont parlait The Botanist, le savant du village.
Dans la grange, Hen picorait sous la lumière, tandis qu’un vieux piège à lapin pendait au mur : une planche de bois avec une plaque de métal rouillée où l’on pouvait encore lire, à moitié effacée, l’inscription anglaise “Rabbit Trap”. Les enfants croyaient qu’elle servait à capturer les rêves fugitifs.
À côté, un homme sans nom, qu’on surnommait Silent Friend, observait la scène, immobile comme une pierre.
Puis vint Bouchra, venue Parmi les montagnes et les ruisseaux, portant un chant inscrit sur une cassette :
“Springsteen : Deliver Me From Nowhere”, disait l’étiquette, griffonnée à la main. Sa voix tremblait : “Que les Deux Femmes en or gardent la clé du monde.”
Au bord du chemin, The Botanist cueillait les derniers pétales d’une fleur étrange, Nova ’78. Les abeilles mouraient autour de lui. “Bugonia”, murmura-t-il, en observant le miel qui tombait du ciel.
Et quand tout s’effondra, il ne resta que le vent du Pays d’Arto, les voix des survivants cherchant encore How to Be Normal and the Oddness of the Other World — c’était le titre d’un vieux manuel trouvé dans une école abandonnée — et les rêves tentant Transcending Dimensions, ces mots inscrits au fronton d’un temple d’ombre.
Dans la poussière du soir, quelqu’un ralluma un projecteur : sur le mur d’une maison vide passaient des Clips d’aujourd’hui. Les images tremblaient, mais le monde, lui, continuait à inventer ses miracles.
Léo Fonteneau
Envoyé spécial au Festival international du Film de La Roche-sur-Yon