[#CADAVRE EXQUIS] Mardi. « Entre les mondes »
[Chaque jour, et sur le principe du cadavre exquis, redécouvrez en une histoire courte, la programmation des films de la journée]
Didi avait de la peine à y croire. À la source de toutes ses angoisses se trouvait son amie Cassandre. Peu avant que le soleil se lève, elle avait appris sa disparition soudaine, emportée dans la vallée des fous où elle se trouvait désormais captive. Comment les habitants avaient-ils pu faire ça ? L’utiliser comme offrande aux Damnés, ces êtres abjects qui avaient perdu toute leur humanité en pénétrant dans le domaine des morts : Phantosmia.
Didi savait pourtant que cette situation pouvait arriver. Par ici, la vie, en gros, ne tenait qu’à un fil. Cet évènement était courant pour la survie des habitants. Elle y avait même participé quelques années plus tôt. Désormais, par le sacrifice de son amie, la ville allait être épargnée… Jusqu’à la prochaine victime.
Incapable d’accepter la perte de son amie, Didi se claqua les joues et prit la pire décision qu’elle pouvait prendre : se rendre dans l’établissement Les paradis de Diane, le bâtiment maudit qui abritait l’entrée vers Phantosmia. Serrant le bracelet fait main par Cassandre, elle prit une profonde inspiration avant de poser la main sur la poignée de la porte et de pénétrer dans le monde obscur des morts.
Coincée entre les murs de cet étrange endroit, Cassandre peinait à ouvrir les yeux, éblouie par une lumière intense. Quand elle fut enfin habituée, elle découvrit un espace étonnamment grand et vide où seule une petite table ronde remplissait l’espace, accompagnée d’une femme sirotant tranquillement sa tasse. D’un simple sourire et d’un geste nonchalant de la main, Cassandre se vit invitée par l’inconnue à rejoindre la table.
Une tasse à la main, Cassandre était envahie de questions en tout genre. Où était-elle ? Que faisait-elle ici ? Qui était cette femme ? Et pourquoi buvait-elle du thé comme si de rien n’était ? L’endroit n’avait rien à voir à ce qu’elle s’imaginait de Phantosmia. Elle pensait que ce serait plus… sombre et effrayant.
— Nous ne sommes pas à Phantosmia, si ça peut te rassurer, intervint soudainement la femme.
Cassandre sursauta légèrement en l’entendant parler, surprise.
— Et où sommes-nous alors… ? tenta-t-elle sur la défensive.
— Dans le monde de Shambhala, un endroit que j’ai créé pour les âmes comme la tienne, encore trop pure pour pouvoir aller à Phantosmia. Mais ça, c’est une autre histoire, balaya-t-elle l’air de sa main. Ton amie est actuellement coincée dans l’autre monde en voulant te porter secours et va bientôt disparaître. Je vais te donner la possibilité de la retrouver et de partir d’ici, mais sache une chose : quiconque quitte Shambhala s’en voit exclu à jamais. À ta mort, ainsi que celle de ton amie, vous ne connaîtrez jamais le repos éternel en devenant des âmes errantes, perdues sur Terre.
— Je ne voudrais vivre sur aucune autre terre si c’est pour abandonner mon amie !
— Bien, puisque ton choix est fait… Bonne chance, lui sourit-elle en claquant des doigts.
Cassandre quitta alors la lumière pour sombrer dans les ténèbres de Phantosmia. Par chance, elle atterrit à proximité de Didi dont le bracelet luisait légèrement d’une faible lumière. En tâtonnant le sol, elle rampa jusqu’à elle et vérifia sa respiration avant de la soulever pour sortir de cet horrible endroit. Seule la lueur du bracelet de Didi, lui permettait de voir où elle posait les pieds. Après une longue marche, elle aperçut enfin la porte d’entrée.
Poussant la porte de sa main libre, elle s’écroula par terre quand elle toucha enfin le sol terreux, l’aube d’une nouvelle ère pointant le bout de son nez. Didi cligna ensuite des yeux avant de reprendre conscience, se jetant dans les bras de Cassandre, heureuse de la revoir. Tandis qu’elle pleurait, questionnant Cassandre sur ce qu’il s’était passé, celle-ci ne quittait pas des yeux la bâtisse qui disparaissait derrière elles, la femme les observant à travers une fenêtre à l’étage, un sourire sur le visage. Juste avant qu’elle ne disparaisse, Cassandre pu lire sur ses lèvres quatre mots résonnant dans tout son corps.
« À la prochaine fois. »
Enora Bouyer