[#Nous avons vu] L’amour qu’il nous reste : La beauté immobile des choses qui s’effacent

Silence grave, lumière fragile. Dans L’Amour qu’il nous reste (en Islandais : Ástin sem eftir er), Hlynur Pálmason dépeint un monde suspendu : Anna, une artiste, Magnus, un marin, et leurs enfants, pris entre les marées et les absences. Le film avance comme une nature morte, figé dans son portrait de famille brisé par le souffle incertain du vent et la mer omniprésente.

Après avoir perdu son atelier par faute de moyens, Anna se réfugie dans les éléments : elle expose ses toiles dehors, les laisse se salir, se corroder et s’abîmer sous la rouille et la pluie. Ces gestes, exposer et se laisser marquer, donnent au film sa force visuelle et poétique. Chaque plan semble mesurer le temps qui s’écoule, le temps qu’il ne reste plus. Le paysage sauvage de l’est de l’Islande devient un personnage, un témoin muet du recul de l’amour et des fissures invisibles entre les êtres.

Le récit est minimaliste, mais puissant. Pas de grandes explosions émotionnelles, pas de grands discours, juste des silences, des non-dits, des gestes simples : le regard de l’enfant, la mer à l’horizon, le bateau qui part. Le jeu des acteurs est sobre : Sverrir Gudnason, dans le rôle de Magnus, n’est que l’ombre du mari parti, tandis qu’Anna, incarnée avec pudeur, porte sur elle le poids de ce qui a été perdu et ne sera jamais retrouvé.

Le temps comme matière

Mais cette nature morte ne se contente pas d’être une image : elle interpelle. Qu’est-ce que l’amour quand il ne reste qu’un espace vide où l’autre semble ne plus habiter ? Quelle est la valeur de ce qui persiste, alors qu’autour, tout s’effrite ? Pálmason ne dramatise pas, il grave. Il ne réclame pas de larmes, il impose le regard. Le film insiste sur l’éphémère, sur les restes, sur ce qui survit lorsque les grandes déclarations sont parties.

L’Amour qu’il nous reste est un film lent dans sa mélancolie et riche dans sa sobriété. On en ressort le cœur un peu alourdi, conscient que ce qu’on retient du monde est souvent ce qui s’efface. Et pourtant, dans cette disparition, le film révèle une beauté austère : celle de la fragilité humaine, celle de l’amour qui persiste malgré tout dans les paysages, le silence et l’absence presque tangibles.

 

Alicia Chedhomme
Envoyée spéciale au Festival Internationale du Film de La Roche-sur-Yon

L’amour qu’il nous reste (2025) de Hlynur Pálmason.
Diffusé le dimanche 19 octobre à 21h00 au Concorde
Durée : 109 minutes
Langue : Islandais (sous-titré Français)

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