[# NOUS AVONS VU ] Saint Omer : le procès d’une mère, de la maternité à l’infanticide

Entre documentaire et invention, doutes et certitudes, Alice Diop, scénariste et réalisatrice française, nous propose son premier long-métrage de fiction : Saint Omer. Un récit déroutant, inspiré de faits réels, autour d’un infanticide. Un film doublement primé à la Mostra de Venise 2022. 

Alice Diop, réalisatrice multi-primée, est l’auteure de plusieurs films documentaires. En 2017, elle remporte le césar du meilleur court métrage grâce à son film Vers la tendresse. Puis en 2021, son long métrage Nous lui permet de recevoir le prix du meilleur documentaire ainsi que le prix du meilleur film de la Sélection Encounters à la Berlinale.

Elle revient en 2022, avec son tout nouveau long-métrage, Saint Omer, coécrit avec la romancière Marie Ndiaye. Inspirée par l’affaire Fabienne Kabou, condamnée en 2016 à 20 ans de prison pour le meurtre de sa petite fille, c’est un film dramatique où l’on suit une jeune autrice d’origine sénégalaise, Rama (jouée par Kayije Kagame), au cœur d’une cour d’assises. Dans le cadre de l’écriture de son prochain livre, elle part dans le nord de la France, à Saint-Omer, assister au procès de Laurence Coly, une jeune étudiante accusée d’avoir tué sa fille, Lily, âgée de seulement quinze mois.

Progressivement, au fil des déclarations et des témoignages de l’accusée ainsi que de ses proches, on s’interroge sur notre jugement. On sait que Laurence Coly est coupable de cet infanticide, mais est-elle vraiment la seule responsable ? Qu’est-ce qui aurait poussé cette jeune femme bien élevée, cultivée et intelligente à agir de la sorte ? Est-ce de la folie ou bien un acte de maraboutage ? Tant de questions, que l’on se pose inconsciemment pendant le film alors même que nous connaissons la vérité.

Un procès au détriment de l’humain

Tout au long de la fiction, on a du mal à voir le vrai visage de Laurence Coly, tantôt impassible et distante, tantôt effondrée. C’est un va-et-vient constant entre les différentes facettes de la jeune femme ainsi qu’entre nos convictions et nos doutes. 

Certains ont pu être choqués par le point de vue adopté par la réalisatrice, mais on peut aussi y voir l’occasion de questionner l’influence de notre éducation sur la personne que l’on est et que l’on deviendra, ainsi que sur nos rapports aux concepts de la vie tels que la maternité. En effet, dans ce film, il est beaucoup question du rapport à la maternité de la coupable. Et pour cause, c’est sûrement un des facteurs qui a poussé la jeune femme à passer à l’acte.

La façon dont Alice Diop nous filme le procès est intrigante et étonnante. En effet, les débats dans la cour d’assises nous sont dévoilés à travers de longs monologues face caméra. De plus, on remarque la présence de longs silences avec pour seul « dialogue » le regard et les expressions des visages. Avec ce film, Alice Diop montre une nouvelle façon de faire de la fiction sur un procès, en réinventant certains codes.

Malgré cela, j’ai trouvé dommage que ce long-métrage mette de côté l’infanticide commis sur une fillette, au profit du rapport à la maternité de la coupable.

 

Saint Omer représentera la France aux Oscars 2023, dans la catégorie du meilleur film international en 2023. D’ici là, n’hésitez pas à aller  découvrir ce film d’Alice Diop au Festival International du Film à la Roche-sur-Yon ce samedi 22 octobre, puis dans les salles de cinéma dès le 23 novembre prochain. 

Romane AGENEAU