[#CADAVRE EXQUIS] Une journée sur le festival. Des films. Une histoire. Jeudi.
Argentine, 1985. Je n’étais encore qu’un enfant avec des rêves naïfs. Mes parents m’avaient envoyé passer l’été à la campagne, dans la ferme de l’oncle Shari et de tante Ramona. Perdu, sans amour, sans les repères des quartiers lointains de ma ville, le temps me paraissait long. Ma vie de citadin me manquait terriblement. Tard le soir, je songeais avec nostalgie aux reflets spectrographiques de la ville, aux sirènes assourdissantes et aux travailleurs de nuit œuvrant en coulisses pour débarrasser la métropole de ses déchets. Pour tromper l’ennui, je m’imaginais m’enfuir loin de la ferme, jeter la courtepointe qui borde mon lit, attraper quelques vêtements à la volée. Sur la table de la cuisine silencieuse, un mystérieux petit paquet m’attendra. Je le saisirai et, sans remords, je partirai. Je longerai la grange et ses fromages odorants, je passerai par l’enclos des vaches et des cochons. Puis, désormais libéré de tout ennui, je marcherai. Une flamme, une lueur crépitante guidera chacun de mes pas. Je ne m’arrêterai pas avant de rejoindre l’océan. Là-bas, je traverserai la plage, esquiverai les méduses et les coquillages coupants. Les paysages seront à couper le souffle et je me rêverai alors protagoniste d’un de ces clips musicaux qui rythment la télévision des ménages, tard le soir. Puis, épuisé par mon long périple, je ferai une escale dans un port de pêcheurs. Lorsque je commencerai à m’assoupir, un grand marin du nom de Nicolas m’interpellera de sa grosse voix. Il me demandera de rejoindre son équipage, composé seulement de jumeaux à l’air espiègle et vêtus de grosses parkas en astrakan.
À bout de forces mais heureux, j’accepterai. La lueur d’une nouvelle aventure, pleine de promesses et de prises de conscience, se présentera enfin à moi.
Romane Pichon
(Retrouvez chaque jour un cadavre exquis à partir des titres de films à l’affiche au Festival International du film de la Roche-sur-Yon)