[Critique ciné] « Rapide comme le Vif-Argent », de Stéphane Batut
Mercredi 27 novembre, j’ai pu assister, au Concorde, à la projection de Vif-Argent, en compagnie du réalisateur Stéphane Batut. Dans cette salle de cinéma, moitié pleine, la discussion s’est faite simplement, tout comme le film, aux messages pourtant clairs.
Vif-Argent, film dramatique parisien, narre la mort avec subtilité. Juste, personnage principal, est devenu fantôme. Il erre dans les rues de Paris, avec comme mission de trouver les personnes mortes parmi les vivants, et de les faire passer dans l’autre monde, après avoir recueilli leur dernier souvenir. Il a le pouvoir de revivre avec chaque mort les souvenirs, souvent d’enfance, qui l’emmène loin de Paris. À la mort, vient s’ajouter son contraire, la vie. Juste croise la route d’Agathe, lui est mort, elle est vivant. Tous deux doivent s’écouter et comprendre comment s’aimer et se donner une seconde chance à travers cette barrière invisible.
C’est un film simple, avec des décors naturels, sans artifices, tantôt l’appartement de Juste, tantôt celui d’Agathe, sinon la rue, les parcs et les paysages des souvenirs des morts. La métaphore de l’eau y est d’ailleurs omniprésente, représentant le mouvement dans la vie de Juste, ce qui l’emmène à la vie et vers la mort. Stéphane Batut rapproche son œuvre de celles d’Hong Sang-soo, réalisateur et scénariste sud-coréen. Les seuls effets spéciaux présents s’imbriquent très facilement dans ce film indépendant à petit budget. La musique du film a une réelle importance. Le réalisateur estime que Vif-Argent évoluait vers le lyrique et au montage vers le mélodique. Si, au début, l’équipe a eu peur d’une dénaturation de l’œuvre par une musique hollywoodienne, Stéphane Batut assure que, plus on a l’impression que c’est artificiel, plus on a envie d’y croire, cela vient de l’extérieur et emporte le spectateur. La vraisemblance du film tient aussi à son fil conducteur. Le point fort est indéniablement Agathe qui ne laisse pas les spectateurs croire que Juste délire. Par son apparition, le point de vue passe de Juste à Agathe, qui le désigne comme un objet.
Vif-Argent, anciennement nommé « La nuit je mens », tient son nom de la réplique, « Rapide comme le vif-argent », aux multiples interprétations. Stéphane Batut, explique qu’après avoir entendu cette réplique, il a décidé de renommer son film, par l’ancien nom du mercure. Mercure qui représente, dans la mythologie romaine, le Dieu voleur qui emmenait les âmes dans l’au-delà.
Après la sortie de son documentaire « Le Rappel des oiseaux », en 2014, sur les rites funéraires, une suite était appelée par les spectateurs. Stéphane Batut décide de faire cette fois-ci une fiction à son image de réalisateur, qui aime écouter et regarder les autres. Ce film questionne la place de celui qui écoute. La fiction se passe dans celui qui écoute ou qui parle ? Le réalisateur questionne alors la possibilité de partager quelque chose au travers d’un récit. Il insiste sur le fait que c’est une utopie, on se persuade que c’est possible, comme le partage en amour. Est-ce que l’amour peut dépasser la barrière de la mort ? On veut toujours croire qu’on peut dépasser cette barrière, même si on sait que c’est une illusion. C’est donc un film simple d’apparence, mais au sens et aux questionnements bien cachés, que j’invite à déchiffrer sans retenue.
Éléna Garcia