Grand débat national : comment les médias traitent le thème de la transition écologique ?
Depuis le 15 janvier dernier, Emmanuel Macron multiplie les déplacements à la rencontre des élus municipaux et des Français dans le cadre du grand débat national. Sur la table, quatre thèmes principaux : la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, la transition écologique et l’organisation de l’État et des services publics. Pourtant, un seul sujet est majoritairement traité au détriment des trois autres ; celui de la fiscalité et des dépenses publiques, et plus spécifiquement la question tabou du retour de l’ISF.
Dans les médias, rares sont les journalistes, chroniqueurs ou encore présentateurs qui orienteront les débats vers la transition écologique. Pourtant, selon un article de La Croix du 15 février, la récurrence des thèmes abordés pendant le grand débat serait la suivante : la fiscalité, les dépenses publiques et le pouvoir d’achat arrivent en tête (34%), devant la transition écologique (25%), suivi de l’organisation de l’État et des services publics (21%) et des questions de « démocratie et citoyenneté » (19%). Si le sujet de la transition écologique arrive à la deuxième place du podium, rares sont les médias ayant mis en avant le contenu des propos tenus sur ce thème lors des réunions d’initiatives locales. Un manque de considération certain qui pose la question de la qualité du débat. Ce thème serait simplement évoqué et le contenu insuffisant pour permettre aux médias de traiter l’information ? Ou bien, serait-ce le résultat d’une irréflexion volontaire des médias causée par leur propre hiérarchisation des sujets d’actualité ? Dans un contexte où la confiance dans les médias est au plus bas, le grand débat joue un rôle clé dans la restitution d’une certaine crédibilité et légitimité des médias auprès de leur lectorat ou audience. Un enjeu fort perceptible à travers la façon dont les médias mettent en évidence le thème de la transition écologique. En analysant les quelques articles publiés, ainsi que les émissions radio et télévisée, force est de constater que deux points de vue majeurs et divergents émanent. C’est le cas dans la manière dont les médias introduisent le thème. Lorsque les radios, orientées à droite politiquement, telles que RTL et Europe1 parlent de la transition écologique, ce sont des chiffres qui ressortent le plus. “Dix à trente milliards d’euros, c’est le montant qu’il manque pour financer la transition écologique » avons-nous pu entendre sur Europe1 le 25 janvier dernier. Ou encore : “la transition écologique coûtera des milliards et des milliards d’euros” sur RTL quelques jours plus tard. Ces deux médias ont logiquement associé la transition écologique aux autres thèmes du grand débat que sont la fiscalité, les dépenses publiques et le pouvoir d’achat. En s’inquiétant d’abord du coût de la mise en place des mesures pour la planète et de son impact sur le pouvoir d’achat des ménages, ces deux radios ont affirmé leur priorité, la plus existentielle dans le grand débat, qui est en aucun cas la lutte contre le réchauffement climatique. Pour les médias de gauche, comme Libération, le sujet a été mis en avant de manière à souligner les revendications sur le thème et les potentielles solutions à mettre en place. De même, lorsqu’ils introduisent le sujet, le journal ne fait pas directement écho au grand débat mais davantage aux marches pour le climat à travers la France et l’Europe ainsi qu’à L’Affaire du Siècle ; mouvement à l’initiative d’organisation de protection de l’environnement, qui, au vu de l’inaction de l’État pour le climat, ont décidé de le conduire en justice. En se comportant comme le porte-parole des “écolos”, le journal affirme ne pas être surpris que le grand débat ne se rapporte quasiment pas sur le climat. Depuis mi-février, cette différenciation est d’autant plus marquée entre les médias avec la question du retour sur la taxe carbone. Pourtant à l’origine de la crise des “gilets jaunes”, cette taxe serait à nouveau en discussion. D’ailleurs, RTL , qui a du mal à se positionner dans le grand débat depuis son commencement, tend à réduire le débat sur le thème de la transition écologique à celui du débat sur la taxe carbone. De manière générale, que l’on écoute RTL ou lise Libération , nous pouvons facilement constater que le grand débat, au travers de la pauvreté des informations et solutions émises, a donné l’occasion à Emmanuel Macron, François de Rugy ou encore ses secrétaires d’État, d’entretenir le flou sur les actions à venir quant à la protection de notre planète.
Bastien Hardy